Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/235

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sont d’une couleur isabelle, et d’autres d’une couleur tirant un peu sur le roux, et noirâtre en quelques endroits : les jambes ne sont pas non plus si déliées que celles des chameaux ordinaires : de sorte que cette espèce de chameau ou de dromadaire, paraît à proportion plus propre à porter des fardeaux.


De l'animal hiang tchang tse, ou chevreuil musqué.

L’autre animal est une espèce de chevreuil que les Chinois nomment hiang tchang tse, c’est-à-dire, chevreuil odoriférant, chevreuil musqué ou qui porte le musc. Tchang tse signifie chevreuil, hiang signifie proprement odeur : mais il signifie odoriférant quand il est joint à un substantif, parce qu’alors il devient adjectif. Un missionnaire jésuite qui en a fait la description suivante, ne dit rien sur cet animal qu’il n’ait vu lui-même. Je l’achetai, dit-il, comme on venait de le tuer à dessein de me le vendre, et je conservai la partie qu’on coupa selon la coutume pour avoir son musc, qui est plus cher que l’animal même. Voici comme la chose se passa.

A l’occident de la ville de Peking se voit une chaîne de montagnes, au milieu desquelles nous avons une chrétienté et une petite église. On trouve dans ces montagnes des chevreuils odoriférants. Pendant que j’étais occupé aux exercices de ma mission, de pauvres habitants du village allèrent à la chasse, dans l’espérance que j’achèterais leur gibier, pour le porter à Peking : ils tuèrent deux de ces animaux, un mâle et une femelle, qu’ils me présentèrent encore chauds et sanglants.

Avant que de convenir du prix, ils me demandèrent si je voulais prendre aussi le musc, et ils me firent cette question, parce qu’il y en a qui se contentent de la chair de l’animal, laissant le musc aux chasseurs, qui le vendent à ceux qui en font commerce. Comme c’était principalement le musc que je souhaitais, je leur répondis que j’achèterais l’animal entier. Ils prirent aussitôt le mâle, ils lui coupèrent la vessie, de peur que le musc ne s’évaporât, ils la lièrent en haut avec une ficelle. Quand on veut la conserver par curiosité, on la fait sécher ; l’animal et son musc ne me coûtèrent qu’un écu.

Le musc se forme dans l’intérieur de la vessie, et s’y attache autour comme une espèce de sel. Il s’y en forme de deux sortes : celui qui est en grain est le plus précieux : il s’appelle teou pan hiang. L’autre qui est moins estimé, et qu’on nomme mihiang, est fort menu et fort délié. La femelle ne porte point de musc, ou du moins ce qu’elle porte qui en a quelque apparence, n’a nulle odeur.

La chair de serpent est à ce qu’on me dit, la nourriture la plus ordinaire de cet animal. Bien que ces serpents soient d’une grandeur énorme, le chevreuil n’a nulle peine à les tuer, parce que dès qu’un serpent est à une certaine distance du chevreuil, il est tout à coup arrêté par l’odeur du musc ; ses sens s’affaiblissent, et il ne peut plus se mouvoir.

Cela est si constant, que les paysans qui vont chercher du bois, ou faire du charbon sur ces montagnes, n’ont point de meilleur secret pour se garantir de ces serpents, dont la morsure est très dangereuse, que de porter sur eux quelques grains de musc. Alors ils dorment tranquillement après