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la cour et sous ses yeux. Outre les dépenses de leur maison que Sa Majesté leur fournit, ils ont des terres, des maisons, des revenus ; ils font valoir leur argent par l’industrie de leurs domestiques, et il y en a qui sont extraordinairement riches.

Ainsi tout l’empire est gouverné par un seul maître. C’est lui seul qui dispose de toutes les charges de l’État, qui établit les vicerois et les gouverneurs, qui les élève et les abaisse selon qu’ils ont plus ou moins de capacité et de mérite (car généralement parlant, aucune charge ne se vend dans l’empire), qui les prive de leurs gouvernements, et les destitue de tout emploi, dès qu’il est tant soit peu mécontent de leur conduite. Les princes même de son sang n’en peuvent porter le nom sans sa permission expresse, et ils ne l’obtiendraient pas, s’ils s’en rendaient indignes par leur mauvaise conduite, ou par le peu d’attention qu’ils apporteraient à leurs devoirs.


L'empereur choisit son successeur.

C’est l’empereur qui choisit parmi ses enfants celui qu’il juge le plus propre à lui succéder : et même, lorsqu’il ne trouve point dans sa famille des princes capables de bien gouverner, il lui est libre de fixer son choix à celui de ses sujets qu’il en croit le plus digne : on en a vu des exemples dans les temps les plus reculés, et ces princes sont encore aujourd’hui l’objet de la vénération des peuples, pour avoir préféré le bien public de l’État, à la gloire et à la splendeur de leur famille.

Cependant depuis plusieurs siècles, l’empereur a toujours nommé un prince de son sang pour être héritier de sa couronne. Ce choix tombe sur qui il lui plaît, pourvu qu’il ait un vrai mérite, et les talents propres pour gouverner : sans quoi il perdrait sa réputation, et causerait infailliblement du trouble ; au contraire si au lieu de jeter les yeux sur l’aîné, il en choisit un autre qui ait plus de mérite, son nom devient immortel. Si celui qui a été déclaré son successeur avec les solennités ordinaires, s’écarte de la soumission qu’il lui doit ou tombe dans quelque faute d’éclat, il est le maître de l’exclure de l’héritage, et d’en nommer un autre à la place.


Cang hi dépose un de ses fils.

Le feu empereur Cang hi usa de ce droit en déposant d’une manière éclatante un de ses fils, le seul qu’il eut de sa femme légitime, qu’il avait nommé prince héritier, et dont la fidélité lui était devenue suspecte. On vit avec étonnement chargé de fers, celui qui peu auparavant marchait presque de pair avec l’empereur ; ses enfants et ses principaux officiers furent enveloppés dans sa disgrâce, et les gazettes publiques furent aussitôt remplies de manifestes, par lesquels l’empereur informait ses sujets des raisons qu’il avait eu d’en venir à ce coup d’éclat.

Les arrêts de quelque tribunal que ce soit, ne peuvent avoir de force qu’ils ne soient ratifiés par l’empereur ; mais pour ceux qui émanent immédiatement de l’autorité impériale, ils sont perpétuels et irrévocables ; les vicerois et les tribunaux des provinces n’oseraient différer d’un moment de les enregistrer, et d’en faire la publication dans tous les lieux de leur juridiction.

L’autorité du prince ne se borne pas aux vivants, elle s’étend encore sur