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seigneurs ou de petits rois, qui s’étant révoltés, avaient pris le titre d’empereur.

Enfin il y a des monnaies, auxquelles le peuple attache maintenant des idées superstitieuses, qu’elles n’avaient pas dans le temps qu’on les a fabriquées. Les caractères ou les figures qui y sont empreintes, marquaient des époques de temps, ou des faits historiques dont on a perdu le souvenir. Telle est, par exemple, la monnaie sur laquelle on voit le fong hoang et le kilin, deux animaux fabuleux dont les Chinois racontent cent merveilles.

Ce fong hoang est un oiseau dont nous avons eu souvent occasion de parler[1]. Le kilin est un animal, selon eux, qui est composé de différentes parties de plusieurs animaux. Il est de la hauteur d’un bœuf et en a l’encolure ; son corps est couvert de larges et de dures écailles ; il a une corne au milieu du front, des yeux et des moustaches semblables aux yeux et aux moustaches du dragon chinois. Cet animal est le symbole des mandarins d’armes du premier ordre.

Le feu empereur Cang hi s’était fait un cabinet, où il avait rassemblé toutes les pièces de monnaies anciennes et modernes, rangées selon l’ordre des dynasties. Ce fut un mandarin nommé Tsiang, président de l’académie des premiers docteurs de l’empire, qui fut chargé de les mettre chacune selon son rang. Dans ce curieux assemblage de monnaies on remonte jusqu’aux premiers temps. Les plus anciennes qu’on ait, sont du temps de Yao. Il y en a du temps de Tching tang, fondateur de la deuxième dynastie, et assez grand nombre des trois célèbres dynasties, dont il est parlé dans le livre canonique appelle Chu king et qu’on nomme Hia, Chang, et Tcheou, mais surtout de cette dernière.

Si ces pièces de monnaie étaient supposées, et faites à plaisir dans les temps postérieurs, on en aurait également supposé de tous les empereurs de ces premières dynasties : mais comme il en manque de ces temps si reculés, il ne s’en est pas conservé non plus des règnes moins anciens. On a suppléé à celles qui manquent, par des monnaies de carton qu’on a faites, selon l’idée qu’en donnent d’anciens livres. Les proportions sont si bien gardées, et les couleurs du métal si bien imitées, que ces monnaies contrefaites paraissent de véritables antiques. Cette suite de monnaies ajoute un nouveau degré de certitude à la connaissance qu’on a d’ailleurs de l’histoire chinoise : car peut-on douter qu’il y ait eu une telle dynastie, et tel empereur, lorsque les monnaies fabriquées de leurs temps, ont été conservées depuis tant de siècles entre les mains des Chinois ?

  1. Voyez Tome 1 page 273 et Tome 2 page 15 et 95.