Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de feuilles de mûriers, et préparée de la manière que j’ai dit ci-devant : l’odeur de ces feuilles attirera ces petits vers affamés : on aidera les plus paresseux à descendre avec une plume de poule, ou en frappant doucement sur le dos de la feuille renversée, Aussitôt après on pèsera séparément cette feuille vide, pour savoir précisément le poids des vers qu’on a eu. Sur quoi on réglera à peu près la quantité de livres de feuilles qu’il faudra pour leur nourriture, et le poids des coques qu’on en doit retirer, s’il n’arrive point d’accident.


Du régime qu'on doit faire garder aux vers.

Il s’agit maintenant de faire garder à ces vers un bon régime, et de tempérer à propos la chaleur de leur logement. Pour cela on donne aux vers à soie une mère affectionnée et attentive à leurs besoins et c’est ainsi que notre auteur l’appelle, tsan mou, mère des vers.

Elle prend donc possession du logement, mais c’en est qu’après s’être bien lavée, et avoir pris des habits propres, et qui n’aient aucune mauvaise odeur. Il ne faut pas qu’elle ait mangé depuis peu de temps, ni qu’elle ait manié de la chicorée sauvage : cette odeur est très préjudiciable à ces tendres élèves. Elle doit être vêtue d’un habit simple et sans doublure, afin qu’elle juge mieux par le sentiment, des degrés de chaleur du lieu, et qu’elle puisse augmenter ou diminuer le feu qui l’échauffe : mais elle évitera avec soin de causer de la fumée, ou d’exciter de la poussière, ce qui serait très contraire à la délicatesse de ces petits insectes, et qui veut être extrêmement ménagée avant les premières mues. Chaque jour, dit un auteur, est pour eux comme une année, et en a, pour ainsi dire, les quatre saisons ; le matin, c’est le printemps ; le milieu du jour, c’est l’été ; le soir, c’est l’automne et la nuit, c’est l’hiver.

En général voici des règles pratiques qui sont fondées sur l’expérience, et auxquelles il est bon de se conformer. 1° Lorsqu’on conserve les œufs jusqu’au temps qu’ils doivent éclore, ils veulent un grand froid. 2° Lorsqu’ils sont éclos et qu’ils ressemblent à des fourmis, ils demandent beaucoup de chaleur. 3° Quand ils sont devenus chenilles, et vers le temps de la mue, ils ont besoin d’une chaleur modérée. 4° Après la grande mue, il leur faut de la fraîcheur. 5° Lorsqu’ils sont sur le déclin et prêts de vieillir, on doit les échauffer peu à peu. 6° Enfin une grande chaleur leur devient nécessaire, lorsqu’ils travaillent aux coques.

La délicatesse de ces petits insectes, demande aussi qu’on ait grand soin d’écarter tout ce qui peut les incommoder. Car ils ont leurs dégoûts et leurs antipathies : ils ont surtout aversion du chanvre ; des feuilles humides ou échauffées par le soleil ; de la poussière, si l’on balaie, lorsqu’ils sont nouvellement éclos ; de l’humidité de la terre ; des moucherons et des cousins ; de l’odeur du poisson grillé et des cheveux brûlés, du musc, de la fumée, de l’haleine qui sent le vin, du gingembre, de la laitue ou de la chicorée sauvage, de tout grand bruit, de la malpropreté, des rayons du soleil ; de la lueur de la lampe, dont la flamme tremblante ne doit pas durant la nuit leur frapper les yeux ; des vents coulis, du grand vent, du froid, du chaud, et principalement du passage subit d’un grand froid à une grande chaleur : tout cela est contraire à ces tendres vermisseaux.