Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/338

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qu’ils emploient, qui est, et moins laconique, et moins grand. Dans les matières sublimes on ne se sert ni de points ni de virgules ; comme ces compositions ne sont que pour les lettrés, c’est à eux à juger où le sens finit, et les gens habiles ne s’y trompent jamais.

Vossius avait raison de dire que l’abondance de la langue chinoise vient de la multitude des caractères ; il faut ajouter qu’elle vient aussi des sens divers qu’on leur donne, et de l’assemblage qu’on en fait, en les joignant le plus ordinairement deux à deux, assez souvent trois à trois, et même quelquefois quatre à quatre. On a un dictionnaire fait par les ordres du feu empereur : il ne comprenait pas toute la langue, puisqu’on a été obligé d’y ajouter un supplément en vingt-quatre volumes, et cependant il y avait déjà quatre vingt quinze volumes de compte fait, la plupart fort épais, et d’une écriture menue. Il n’y a pas de langue au monde qu’on ne pût épuiser en beaucoup moins de tomes. Il n’y a donc point de langue, ni qui soit plus riche que la langue chinoise, ni qui puisse se vanter d’avoir régné trois à quatre mille ans, comme elle règne encore aujourd’hui.


Parallèle de cette langue avec celles dÉurope.

Tout ce que nous venons de dire, paraîtra sans doute étrange à des Européens, accoutumés aux vingt-quatre lettres qui composent notre alphabet : mais peut-être sera-t-on moins surpris, quand on fera réflexion que notre langue et toutes les autres, ont une infinité de figures pour s’exprimer, quoiqu’elles le puissent faire par ces vingt-quatre lettres : chaque art et chaque profession a des caractères qui lui sont propres.

Outre nos vingt quatre lettres que nous diversifions en plusieurs manières, en majuscules ou capitales, qui sont différentes des communes et ordinaires, en italiques et romaines, etc. Nous en avons pour écrire des lettres rondes, carrées, bâtardes, financières, et italiennes. Noms avons de plus les figures des nombres ou les chiffres, les interponctions qui sont le point, la virgule, l’apostrophe, les accents, la cédille, le tiret, les parenthèses, le point interrogatif et l’admiratif, les abréviations qui sont autant de caractères dont nous nous servons, pour marquer le repos du discours, la prononciation, la continuation, etc. Les astronomes ont des caractères pour les douze signes, pour les divers aspects de la lune et des astres. Les géomètres ont leurs figures ; les musiciens ont leurs notes blanches, noires, crochues, doubles crochues, etc. Enfin il y a peu d’arts et de sciences qui n’aient des figures propres, qui leur tiennent lieu de caractères pour exprimer leurs pensées.

Les Chinois ont encore aujourd’hui une ancienne espèce de langue, et de caractères, qui ne sont plus en usage que pour les titres, les inscriptions, les cachets et les devises, et dont ils ont d’anciens livres qu’il faut que les savants entendent. Ils ont aussi des lettres courantes et usuelles, dont ils se servent pour les actes publics, les contrats, les obligations, et autres actes de justice, comme il y a parmi nous une espèce de lettre qu’on nomme financière. Enfin ils ont une lettre qui demande une étude particulière, pour la diversité des traits et de ses abréviations, ou enlacements