faut que l’n, et le g entrent, pour ainsi dire, l’un dans l’autre, et se confondent ensemble. Il vaut mieux écrire nghe à l’italienne, que ngué à la française.
9° Ce mot ell, deux, s’écrit par les Portugais avec l’h. Cet E que nous mettons à la tête, est féminin et fort sourd, comme s’il y avait encore là-dedans un u. Les deux ll qui suivent, font replier la langue, comme un arc, et après bien de la peine, on ne saurait réussir à prononcer ce mot comme les Chinois.
10° Il y a certains mots qui se disent en deux façons : par exemple, fen, et foüen, un sol chinois, qui contient dix deniers de cuivre : moüen, et men, une porte, etc. Mais ce n’est qu’en certaines significations ; car on ne dit jamais, par exemple, ngo moüen, mais toujours ngo men, nous.
11° Chaque province prononce à sa façon tous ces mots chinois, qui ne sont, comme j’ai dit, qu’au nombre de trois à quatre cents ; ce qui fait qu’un chinois de Peking, par exemple, a beaucoup de peine à entendre un homme de la province de Quang tong, ou de Fo kien. La langue mandarine, qu’ils appellent coüan hoa, et qui a cours, comme nous l’avons dit, dans tout l’empire, n’est pas tellement fixe, qu’on puisse se promettre, quand on la sait, d’entendre tout le monde et d’être entendu partout. Chaque province parle à sa façon cette langue. On dit dans un endroit yong, dans autre c’est jong : dans le Kiang si c’est yun. Cet autre mot yu est dans une autre province ju ; et dans le Kiang si, c’est eull, etc.
La plus grande partie des mots étant ainsi corrompus et déguisés, bien qu’on sache parler la langue mandarine dans une province, si l’on passe dans une autre, il semble qu’on soit tombé dans un nouveau royaume : et il faut démonter son imagination pour donner aux mêmes mots une essence toute nouvelle. Cela s’étend même jusqu’aux diverses personnes à qui l’on parle. Un missionnaire après trois ou quatre ans de fatigues, entend une bonne partie de ce qu’on lui dit ; et bien qu’il parle très mal, ceux qui sont rompus à son jargon, conçoivent à peu près ses pensées ; mais s’il se trouve avec des gens qu’il n’ait jamais vus, il lui faut nécessairement un interprète, pour lui faire entendre ce qu’on dit et pour expliquer ce qu’il veut dire lui-même.
Outre cela chaque province, chaque grande ville, chaque hien, et même chaque gros village à son patois particulier : c’est la langue dominante, tout le monde la parle, les lettrés, comme le peuple et les femmes : mais les femmes et le peuple n’en savent point parler d’autre. Dans la langue mandarine, pourvu qu’on parle lentement, on distingue une bonne partie des voyelles et des consonnes qui composent les mots, et l’on peut les écrire ou les retenir à quelques-uns près ; mais dans le patois, outre qu’il semble qu’on le parle avec une rapidité extrême ; outre qu’il y a une infinité de mots qu’on y mêle par habitude, et qui ne signifient rien, ou plutôt qui paraissent ne signifier rien ; outre cela, dis-je, la plupart des mots ne laissent aucune trace dans la mémoire, parce qu’ils n’ont aucun rapport avec les syllabes grecques, latines, françaises, italiennes, et espagnoles,