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Quand on veut avoir des feuilles d’une grandeur extraordinaire, on a soin que le réservoir et le châssis, soient grands à proportion. On suspend une poulie, et on y passe des cordons, dont le mouvement doit être extrêmement libre. Ces cordons soutiennent le cadre, et au moment qu’on l’élève, des ouvriers placés à côté du réservoir, aident à lever la feuille, en manœuvrant d’une manière égale et uniforme.

L’auteur chinois rapporte un moyen de faire sécher ces feuilles nouvellement levées. Il faut, dit-il, bâtir une muraille qui soit creuse en dedans, et qui dans sa largeur soit bien blanchie. On ménage une ouverture à un côté de cette muraille, et par un tuyau on y introduit la chaleur d’un fourneau voisin : le côté opposé doit avoir une petite issue, afin que la fumée s’exhale. Avec le secours de cette espèce de poêle, on sèche les nouvelles feuilles de papier, presque à mesure qu’on les a levées.

Le papier qui se fait de bambou, n’est ni le seul, ni le meilleur, ni le plus commun qui se fasse à la Chine. On y emploie beaucoup d’autres arbres, surtout ceux qui abondent le plus en sève ; les mûriers par exemple, les ormes, le corps de l’arbrisseau qui produit le coton, le chanvre, et plusieurs autres espèces d’arbres, dont les noms sont inconnus en Europe. D’abord on ratisse légèrement la mince superficie de l’arbre qui est verdâtre ; ensuite on détache l’écorce intérieure en forme de longues aiguillettes très déliées, qu’on blanchit à l’eau et au soleil ; après quoi on les prépare de la même manière que le bambou.

Mais le papier qui est le plus en usage, et dont on se sert communément, c’est celui qui se fait de l’écorce intérieure de l’arbre nommé tchu kou, autrement kou chu : et c’est pourquoi ce papier s’appelle kou tchi. Quand on rompt ses branches, l’écorce se détache en forme de longs rubans : à en juger par ses feuilles on croirait que c’est un mûrier sauvage mais par son fruit il ressemble plus au figuier. Ce fruit tient aux branches, sans qu’on y aperçoive de queue : quand on l’arrache avant sa parfaite maturité, il rend du lait de même que les figues, par l’endroit qui le tenait attaché aux branches. Cent traits de ressemblance avec le figuier et le mûrier, feraient croire que c’est une espèce de sycomore. Il semble néanmoins avoir plus de rapport avec l’espèce d’arbousier, nommé adrachne, qui est d’une grandeur médiocre, dont l’écorce unie, blanche, et luisante, se fend en été par la sécheresse. L’arbre tchu kou, de même que l’arbousier croît sur les montagnes, et dans des endroits pierreux.

L’herbier chinois nous apprend la manière dont on doit élever l’arbre tchu kou, afin d’avoir une écorce si utile en abondance, et dans le degré de maturité nécessaire, pour en fabriquer du papier. Il faut, dit-il, à l’équinoxe du printemps prendre la graine de cet arbre, et après l’avoir lavée, la mêler avec de la semence de sésame, que les Portugais nomment gergelin, et la jeter en terre pêle-mêle. Le gergelin poussera avec les premiers jets de l’arbre tchu kou, mais il faut bien se donner de garde de le couper ni en automne, ni en hiver. Il faut attendre le printemps suivant ; alors on met le feu dans le champ, et dès cette année là même, on verra