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en Europe, de ne vendre que la moitié des exemplaires, et de se ruiner en frais inutiles. D’ailleurs après avoir tiré trente ou quarante mille exemplaires, on peut aisément retoucher les planches, qui servent encore à plusieurs autres impressions.

Des livres de toutes sortes de langues peuvent s’imprimer de même que les livres chinois. Alors la beauté du caractère dépend de la main du copiste : l’adresse des graveurs est si grande, qu’il n’est pas facile de distinguer ce qui est imprimé, d’avec ce qui a été écrit à la main : ainsi l’impression est bonne ou mauvaise, selon qu’on a employé un habile ou un médiocre écrivain. Cela doit s’entendre surtout de nos caractères européens, qu’on fait graver et imprimer par les Chinois : car pour ce qui est des caractères chinois qu’on fait graver, l’habileté du graveur corrige souvent le défaut de l’écrivain.

Cependant les Chinois n’ignorent pas la manière dont on imprime en Europe : ils ont des caractères mobiles comme nous. La seule différence est que les nôtres sont de métal, et les leurs seulement de bois. C’est ainsi que se corrige tous les trois mois l’état de la Chine qui se fait à Peking. On dit qu’à Nan king et à Sou tcheou, on imprime de la sorte quelques livres de petit volume, aussi proprement et aussi bien, que ceux qui sont le mieux gravés. On n’a pas de peine à le croire, puisque cela ne demande qu’un peu plus de travail et de soin.

Dans les affaires pressées, comme lorsqu’il vient un ordre de la cour qui contient plusieurs articles, et qui doit s’imprimer en une nuit, ils ont une autre manière de graver. Ils couvrent une planche de cire jaune, et tracent les caractères avec une rapidité surprenante.

On ne se sert point de presse comme en Europe : les planches qui sont de bois, et le papier qui n’a point été trempé dans de l’eau d’alun, ne pourraient pas la souffrir. Mais quand une fois les planches sont gravées, que le papier est coupé, et l’encre toute prête, un seul homme avec sa brosse, et sans se fatiguer, peut tirer chaque jour près de dix mille feuilles.

La planche qui sert actuellement, doit être posée de niveau et d’une manière stable. Il faut avoir deux brosses, l’une plus dure qu’on prend avec la main, et qui peut servir par les deux bouts : on la trempe un peu dans l’encre, et on en frotte la planche, en sorte qu’elle ne soit ni trop, ni trop peu humectée : si elle l’était trop, les lettres en seraient toutes pochées ; si elle l’était trop peu, les caractères ne s’imprimeraient pas. Quand la planche est une fois bien en train, on peut imprimer jusqu’à trois ou quatre feuilles de suite, sans tremper de nouveau la brosse dans l’encre.

La seconde brosse doit couler sur le papier en le pressant un peu, afin qu’il prenne l’encre : il le fait aisément, parce que n’ayant point été trempé dans l’eau d’alun, il s’en imbibe d’abord. Il faut seulement presser plus ou moins, et passer la brosse sur toute la feuille, et à plusieurs fois, plus ou moins selon qu’on sent qu’il y a plus ou moins d’encre sur la planche. Cette brosse doit être oblongue et douce.