Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/436

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comme un apanage qu’il a reçu du Très Haut ; c’est un bonheur qu’il a répandu sur sa postérité.

Le Seigneur a dit à Ven vang : Quand le cœur n’est pas droit, les désirs ne sont pas réglés, et on n’est pas propre pour sauver l’univers. Vous êtes parfaitement incapable de ces défauts. Montez donc le premier sur la montagne, afin d’attirer tout le monde après vous. Voilà des rebelles qui n’obéissent pas à leur souverain : se croyant au-dessus des hommes, ils les tyrannisent ; armez-vous de ma colère, déployez vos étendards, rangez vos troupes, remettez partout la paix, et fixez le bonheur de votre empire, et répondez à ce que l’univers attend de vous.

Aussitôt Ven vang, sans quitter sa cour, monte sur le haut de la montagne. Rentrez, dans vos cavernes, esprits rebelles ; c’est ici la montagne du Seigneur ; vous ne pouvez y être admis. Ces vives sources sont les eaux pures, où les sujets de Ven vang se désaltèrent ; ces plaisirs ne sont pas pour vous. Ven vang a choisi cette montagne : il a ouvert lui-même ces clairs ruisseaux ; c’est là que tous les peuples fidèles doivent venir ; c’est là que tous les rois doivent se rendre.

Le Seigneur a dit à Ven vang[1] : j’aime une vertu pure et simple comme la vôtre : elle ne fait pas grand bruit ; elle n’a pas grand éclat au-dehors, elle n’est point empressée, elle n’est point fière ; on dirait que vous n’avez d’esprit et de lumières, que pour vous conformer à mes ordres ; vous connaissez votre ennemi, unissez contre lui toutes vos forces, préparez vos machines de guerre : attelez vos chars, allez détruire le tyran ; chassez-le du trône qu’il usurpe ; chariots armés, ne vous pressez pas ; murs élevés, ne craignez rien : Ven vang n’est pas précipité dans sa marche : sa colère ne respire que la paix : il prend le Ciel à témoin de la bonté de son cœur : il voudrait qu’on se rendît sans combat, et il est prêt de pardonner aux plus coupables. Bien loin qu’une si grande douceur lui attire aucun mépris, jamais il ne parut plus digne d’être aimé. Mais si l’on ne se rend pas à tant de charmes, ses chariots arrivent avec grand bruit : le tyran se confie vainement dans la hauteur et la force de ses murailles : Ven vang l’attaque ; il le combat ; il en triomphe ; il détruit son cruel empire, et bien loin qu’une telle justice le rende odieux, jamais l’univers ne fut plus disposé à se ranger sous ses lois.

  1. Voici de belles paroles d’un disciple et d’un commentateur de Tchu hi. Cet homme admirable, dit-il, est complaisant, et doux ; il est humble et toujours prêt à céder : on dirait à l’entendre, qu’il ne sait rien, et qu’il n’est capable de rien. Quand un cœur est ainsi disposé, de quelles richesses ne peut-il pas se remplir ! C’est pourquoi la vertu la plus élevée et la plus éclatante est fondée sur ce fondement solide et inébranlable de l’humilité ; et il n’y a point d’homme plus éclairé, que celui qui se croit sincèrement le plus borné dans ses lumières.