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Ils passent leurs jours dans la joie ; ils se font servir des vins exquis et des mets délicats ; leurs festins ne finissent point ; ils assemblent des compagnons de leurs débauches ; ils ne parlent que de noces et de plaisirs. Considérez que je suis demeuré seul, et que je suis contraint de cacher jusqu’à mes larmes.

Les plus petits vers ont leurs trous : les plus vils insectes trouvent leur nourriture ; et le peuple meurt aujourd’hui de faim et de misère. O Ciel ! qui nous envoyez justement tous ces maux, voyez comme les méchants sont dans l’abondance, et prenez pitié des justes, qui sont dans une nécessité extrême.


SEPTIÈME ODE
SUR LE MÊME SUJET.


Exhortation.


Le Très Haut semble avoir changé sa clémence en fureur : le peuple est réduit au dernier malheur. Il n’y a plus de bonne foi dans les paroles. On ne pense plus à ce qui ne passe point. Les moins méchants, avec des vues très bornées, manquent encore de sincérité et de droiture. Voilà ce qui attire la colère du Seigneur, et ce qui m’oblige de vous en avertir.

Le Ciel paraît sourd à nos prières : il faut donc être saisi de crainte et de douleur. Le Ciel est en courroux : il faut donc s’examiner et s’amender sans délai. Que vos paroles soient pleines de douceur, afin de gagner le cœur des peuples ; mais qu’elles soient animées de force, afin d’arrêter la cause de ces maux.

Bien que mon emploi soit différent du vôtre, je suis cependant homme comme vous : je ne cherche qu’à répondre à vos plus justes désirs. Écoutez-moi donc attentivement : je ne vous dirai rien que d’important, ne le méprisez pas. Vous savez l’ancien proverbe, qui veut qu’on recueille avec soin les herbes les plus viles, et qu’on ramasse le bois, qui ne paraît bon qu’à brûler.

Le ciel est en courroux : ce serait le comble de la folie que de n’en faire aucun cas. Je vous parle dans toute la sincérité de mon cœur, et vous vous en moquez. Vous dites que je suis un vieillard trop timide, et vous demeurez tranquille au milieu du péril : mais à la fin le mal sera sans remède.

Le ciel est en courroux, et votre palais n’est rempli que de flatteurs. Il n’y a plus aucune gravité dans les mœurs, et les gens de bien sont contraints de se taire : le peuple se porte aux dernières bassesses et l’on n’ose découvrir la cause de tant de maux. Hélas tout se perd, et l’on n’écoute point les sages.

Le ciel pénètre dans le fond des cœurs, comme le jour dans une chambre