Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/443

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obscure. Il faut tâcher de répondre à ses lumières, comme deux instruments de musique parfaitement d’accord. Il faut s’unir à lui comme deux tablettes qui paraissent n’en faire qu’une. Il faut recevoir ce qu’il donne, du moment qu’il ouvre la main pour donner. Ne dites pas que je vous parle en vain : rien n’est plus aisé au Ciel que de nous éclairer ; mais par nos passions déréglées nous lui fermons l’entrée de nos âmes.

Les sages du premier ordre, c’est comme l’enceinte qui nous environne. Les sages du second rang, c’est comme les murs qui nous défendent ; vos voisins sont comme une garde devant votre porte ; vos alliés sont comme le tronc qui vous sert d’appui ; et vos parents sont comme une forteresse, qui vous met en assurance. Mais il faut que votre cœur soit à la vertu sans réserve, si vous voulez conserver tous ces biens : car si vous négligez la sagesse, tous ces secours étrangers vous abandonneront, et vous demeurerez seul : Y a-t-il un état plus terrible ?

Soyez donc saisi de crainte, en voyant la colère du Ciel toute prête à tomber sur vous. Ne vous laissez pas vaincre à la mollesse et aux plaisirs : tremblez que le Ciel ne vous abandonne, et ne vous échappez en rien. On dit, et il est vrai, que le Ciel est intelligent : soit que vous entriez ou que vous sortiez, il considère tous vos pas. On compare sa vue à la clarté du matin ; c’est qu’il éclaire jusqu’à vos plus petites démarches.


HUITIÈME ODE
Avis au roi.


O Grand et suprême Seigneur ! vous êtes le souverain maître du monde ; mais que Votre Majesté est sévère, et que vos ordres sont rigoureux ! Le Ciel donne, il est vrai, la vie et l’être à tous les peuples de la terre ; mais il ne faut pas entièrement compter sur sa libéralité et sur sa clémence. Je sais qu’il commence toujours en père, mais je ne sais pas s’il ne finira point en juge.

Ven vang s’écrie : Hélas ! Rois de ce monde, vous êtes cruels, et vos ministres sont des tigres et des loups : vous êtes avares, et vos ministres sont autant de sangsues. Vous souffrez de telles gens auprès de vous. Vous les élevez aux premières charges : et parce que vous avez obligé le Ciel à faire tomber sur vous un esprit de vertige, vous mettez ces scélérats sur la tête de vos sujets.

Ven vang s’écrie : Hélas ! Rois de ce monde, sitôt que vous vous voulez approcher de vous quelque homme sage, incontinent les méchants jurent sa perte, et ils répandent mille faux bruits, pour couvrir leur haine de prétextes spécieux. Vous les écoutez, vous les aimez : c’est loger dans votre palais une troupe de brigands et voilà pourquoi les imprécations du peuple n’ont point de bornes.