ne s’occupèrent que de leurs plaisirs ; et abusant de leur pouvoir, opprimèrent le pauvre peuple par leurs exactions et leurs violences : on vit les uns abattre les maisons d’un grand nombre de leurs sujets, pour y creuser la terre, et y faire des étangs, des lacs, et des réservoirs ; on en vit d’autres chasser les peuples de leurs villages et de leurs campagnes, pour se faire des parcs, des jardins, et des lieux de délices. Les bourgades entières furent bientôt changées en forêt, qui servaient de retraite aux tigres, aux cerfs, aux sangliers, et aux léopards. Tels étaient les amusements de ces princes, qui réduisaient leurs peuples à la plus affreuse indigence. Tcheou qui leur succéda au trône, mit le comble à la tyrannie par ses cruautés. Les cris et les gémissements des peuples touchèrent alors le cœur de Vou vang ; il déclara la guerre au tyran, et le détrôna.
Maître de l’empire, ce prince s’appliqua à lui rendre sa première splendeur, et à procurer le bonheur de ses sujets : il détruisit ces jardins, ces parcs, ces forêts, ces maisons de plaisance, et rendit au peuple les terres qui lui appartenaient. L’empire changea bientôt de face ; et après tant de misères, et de calamités, le peuple commença enfin à respirer. Mais cet heureux temps ne fut pas de durée. Les princes qui suivirent, perdirent insensiblement le goût de la vertu ; les lois s’affaiblirent ; on négligea de s’instruire des sages maximes, qui apprennent l’art de régner ; l’empire se vit replongé dans sa première barbarie ; jusque-là que ces vertus si propres de l’homme raisonnable, je veux dire, l’amour filial et le respect pour son prince, furent presque anéanties.
Confucius parut alors ; et touché d’un aveuglement si général, il tâcha de prévenir la ruine de l’empire, en réformant les mœurs, en rappelant les lois anciennes, et en remettant devant les yeux des princes, et des peuples, les grandes actions des empereurs et des rois, qui régnèrent glorieusement pendant plus de deux cents ans : c’est ce qu’il fit dans le livre qu’il intitula le Printemps et l’Automne. Ses instructions et ses maximes furent écoutées et applaudies ; on ne put s’en défendre, et chacun travailla à y conformer ses mœurs.
Mais nous reste-t-il maintenant quelque trace de cette réforme ? Où sont les empereurs qui se rendent respectables aux peuples par leur sagesse et leur vertu ? De quoi s’occupent les rois ? Ne les voit-on pas fouler aux pieds les lois de l’équité, pour s’entre-déchirer, et se détruire les uns les autres par les plus cruelles guerres ? Combien de maîtres ignorants et impies profitent de ces troubles, pour répandre leur pernicieuse doctrine, et établir leurs dangereuses sectes ? Telle est celle d’Yang chu, qui sans avoir égard au bien public, veut que chacun ne songe qu’à lui-même et à ses propres intérêts, et qui se déclare l’ennemie de tous ceux qui gouvernent. Telle est celle de Me tie, qui ne connaît pas l’étroite liaison du sang, et qui posant pour principe qu’on doit aimer également tous les hommes, détruit l’amour filial, et ne met point de différence entre un père et un étranger.
Ces sectaires se sont déjà fait des disciples parmi les lettrés, qu’on voit rejeter l’ancienne doctrine qu’ils ont reçue de nos sages, pour suivre des