Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/485

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trône de leurs pères, que les enfants indignes de le posséder ; tels que furent les empereurs Kié et Tcheou, que leur tyrannie avaient rendu des objets d’horreur.

Il loue encore la modestie et le désintéressement d’un sage nommé Y yn. C’était un simple laboureur, mais qui était en grande réputation dans l’empire, à cause de sa sagesse et de sa vertu. Le prince Tching tang qui en avait souvent entendu parler avec de grands éloges, voulut profiter des conseils d’un homme si éclairé, et l’attirer à sa cour. Il lui envoya des ambassadeurs avec de magnifiques présents, pour l’inviter à venir fixer la demeure dans son palais. Y yn ne parut nullement touché ni des présents qu’il refusa, ni d’une ambassade si honorable. Il y a, dit-il, dans les offres et la proposition que vous me faites, de quoi flatter un homme qui aurait des vues ambitieuses : mais pour moi qui ne désire rien en ce monde, pourrais-je renoncer au repos de ma solitude, et au plaisir de chanter les vers des anciens sages, de lire leur livre, et de me former sur leurs exemples, pour me jeter dans le tumulte d’une cour, et essayer les peines et les chagrins inséparables du maniement des affaires publiques.

Le prince fut fort surpris, quand on lui rendit la réponse du laboureur. Un tel mépris des honneurs et des richesses, lui fit souhaiter avec encore plus d’ardeur, d’avoir auprès de la personne un homme de ce caractère : il lui envoya jusqu’à trois fois d’autres ambassadeurs, pour lui faire de nouvelles instances. Alors le sage Y yn conçut qu’un prince qui le recherchait avec tant d’empressement, ne pouvait manquer d’avoir des vues très droites et très utiles au bien de ses peuples : Sans doute, dit-il, que le Ciel m’a donné plus d’intelligence qu’au commun des hommes, afin que je répande ma doctrine, et que le prince aidé de mes conseils, fasse revivre par l’équité de sa conduite, les vertus presqu’éteintes de nos anciens empereurs.

Ce motif fit plus d’impression sur lui, que les honneurs et les présents qu’il dédaigna : il se rendit à la cour du prince Tching tang et ce furent ses avis qui déterminèrent ce prince à déclarer la guerre au tyran Kié, et à délivrer les peuples de la cruelle oppression, qui les faisait gémir depuis si longtemps.

Mencius fait ensuite cette réflexion : Les sages, dit-il, tiennent souvent des routes différentes ; les uns s’insinuent dans le palais des princes, les autres s’en éloignent : les uns ne refusent point les honneurs et les dignités, les autres les craignent et les méprisent. Mais dans cette diversité de conduite, ils n’ont tous qu’un même but, qui est de pratiquer la vertu, et de mener une vie irréprochable.

Il finit ce chapitre par détromper un de ses disciples, qui ajoutant foi à des bruits populaires, croyait que quelques sages s’étaient abaissés jusqu’à prendre des emplois vils et méprisables chez les princes, afin de se faire connaître, et de se frayer un chemin aux dignités : il lui fait voir que ce sont autant de fables inventées par des gens, qui cherchaient des exemples pour justifier les lâchetés et les bassesses, par lesquelles ils s’efforçaient de mériter la protection des Grands.