Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/514

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n’ayez point trop de sensibilité ; et ne soyez point du nombre de ces gens, que le moindre mot qui aura échappé, et qui leur déplaît, transporte de rage et de colère.

8° On en voit peu qui ne prêtent l’oreille aux discours flatteurs, et qui, après avoir savouré des louanges glissées à propos, n’en conçoivent une haute idée d’eux-mêmes : ne tombez jamais dans ce défaut ; et loin de vous laisser duper par les feintes douceurs de ceux qui vous flattent, regardez-les comme des séducteurs qui vous trompent.

9° C’est le propre d’une populace ignorante, d’admirer ces hommes vains, qui font parade d’un train superbe,  d’une longue suite de domestiques, de la magnificence des habits, et de tout ce que le luxe a inventé pour donner une prééminence, qui est rarement soutenue du mérite : mais les sages les regardent avec un œil de pitié ; ils ne savent estimer que la vertu.

10° Vous me voyez au comble de la prospérité et de la grandeur ; plaignez-moi, mon neveu, et n’enviez pas mon sort. Je me regarde comme un homme dont les pieds chancèlent sur les bords d’un précipice, ou qui marche sur une glace fragile. Croyez-moi, ce ne sont pas les grandes places qui rendent l’homme heureux, et il n’est pas aisé d’y conserver sa vertu. Suivez donc un conseil, qui est le fruit de ma longue expérience : renfermez-vous dans votre maison, vivez-y dans la retraite, étudiez la sagesse, craignez de vous montrer trop tôt au-dehors, et méritez les honneurs en les fuyant : celui qui marche trop vite, est sujet à broncher ou à tomber. La Providence est la dispensatrice des grandeurs et des richesses ; il faut attendre ses moments.


PARAGRAPHE II.
Maximes sur les cinq devoirs.


L’auteur entre dans le détail des devoirs des domestiques ; des cérémonies ordonnées, pour mettre le premier bonnet aux jeunes gens ; des honneurs funèbres qu’on doit rendre aux parents défunts ; du deuil triennal ; du soin qu’on doit avoir d’éviter les cérémonies introduites par les sectaires ; du devoir des magistrats ; de la précaution qu’on doit apporter aux mariages ; de l’amour qui doit être entre les frères, et des règles de l’amitié. Comme la plupart de ces réflexions se trouvent dans les livres précédents, je n’en rapporterai que quelques-unes, dont je n’ai point parlé jusqu’ici.

Autrefois c’eût été un scandale, et une faute punissable, que de manger de la viande et de boire du vin, lorsqu’on portait le deuil de ses parents décédés : que les temps sont changés ! Maintenant, on voit même des mandarins dans un temps, comme celui-là, consacré à la douleur et à la tristesse, se visiter, et se régaler les uns les autres : on ne fait pas difficulté de contracter des mariages ; parmi le peuple on invite les parents, les amis, les voisins à des repas qui durent tout le jour et où souvent on s’enivre. O mœurs ! qu’êtes-vous devenues ?

Les rits de l’empire ordonnent qu’on s’abstienne de viande et de vin tout le temps que le deuil dure : on n’excepte de cette loi que les malades, et ceux qui ont atteint l’âge de cinquante ans, auxquels on permet de prendre