genre, il vous est libre d’en user, de quelque pays qu’il vous vienne ; et vous n’aurez pas cette liberté, quand il s’agira du choix des hommes ? Il faudra que sans examen, et sans distinction, quiconque n’est pas naturel du pays, vous le rejetiez ? c’est vouloir que vos simples divertissements l’emportent sur le bonheur de vos peuples.
Ce n’est pas par cette voie que Tsin a soumis tant d’autres États. Les grandes rivières et même les vastes mers, reçoivent sans distinction tous les ruisseaux qui leur viennent : aussi leur profondeur est extrême. Un prince qui pense sérieusement à perfectionner ses lumières et ses vertus, doit en user de la sorte. Tels furent anciennement nos cinq ti et nos trois vang[1]. Ils firent cas uniquement de la sagesse et de la vertu, sans distinction de pays et de royaumes. C’est par là et par le secours des Kouei chin[2], qu’ils parvinrent à n’avoir aucun ennemi. Aujourd’hui vouloir par un arrêt, congédier plusieurs officiers distingués par leur mérite, dont les États voisins profiteront ; éloigner pour toujours des emplois quiconque n’est pas naturel de Tsin[3] ; c’est, comme dit le proverbe, fournir des armes aux voleurs, c’est favoriser vos ennemis au désavantage de vos peuples, c’est vous affaiblir au dedans, et vous susciter au dehors une infinité d’ennemis ; se persuader que l’arrêt minuté soit nécessaire ou utile, c’est à mon avis vouloir se tromper soi-même.
Voici ce que le feu empereur Cang hi, dit sur cette pièce : Dans l’antiquité, quiconque avait de la sagesse et de beaux talents, était estimé. Les princes prévenaient ces sortes de gens par des présents, et leur donnaient toujours de l’emploi, s’ils en voulaient prendre. Ils étaient fort éloignés de les chasser, ou de les rejeter précisément pour n’être pas naturels du pays. Profiter des talents qu’on trouve, est une maxime du sage. Li sseë auteur de cette pièce était dans le fond un méchant homme ; mais il ne faut pas pour cela mépriser ce qu’il dit de bon.
J’ai toujours ouï dire que Tien[4] donne aux peuples qu’il produit, des princes pour les nourrir et les gouverner. Quand ces princes maîtres des autres hommes, sont sans vertu et gouvernent mal, Tien, pour les faire rentrer en leur devoir, leur envoie des disgrâces ou les en menace.
- ↑ Ti, empereur, seigneur,maître, souverain. Vang, roi. Cependant ces trois Vang, tels qu'on les détermine ordinairement, ont été du nombre des empereurs. Pour les cinq Ti, on ne s'accorde pas à déterminer ceux que cette expression désigne.
- ↑ Des Kouei chin. Rien dans le texte ne marque pluralité.
- ↑ On dit que c'est Éug, qui conseilla à Tsin chi hoang, de faire brûler les livres de la Chine.
- ↑ Le ciel ou le seigneur du ciel.