Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais en mandarin. Dans les calamités publiques auxquelles on ne voit point de remède, nous devons implorer votre secours, et vous exposer nos besoins. Voyez donc la désolation où est le peuple. Depuis le sixième mois jusqu’au huitième il n’est point tombé de pluie, on n’a encore recueilli aucun grain ; si tout périt, comment pourra-t-on ensemencer les terres ? C’est ce que je dois vous représenter, j’ai ordonné plusieurs jours de jeûne, les bouchers ont défense d’ouvrir leurs boutiques ; on s’interdit l’usage de la viande, du poisson, et même du vin ; on songe sérieusement à se purifier le cœur, à examiner ses défauts, et à s’en repentir. Mais nos vertus et nos mérites ne sont guère capables de fléchir le Tien. Pour vous, ô esprit gouverneur invisible de cette ville, vous approchez de lui, vous pouvez demander des grâces pour nous autres mortels, et le supplier de mettre fin à nos maux. Une telle faveur obtenue par votre entremise, mettra le peuple au comble de ses vœux ; je verrai accompli ce que mon emploi m’oblige de souhaiter avec ardeur ; votre culte croîtra de plus en plus dans cette ville, lorsqu’on verra que ce n’est point en vain que vous y présidez. »


Suite des fonctions des mandarins.

Comme le mandarin n’est établi que pour soutenir et protéger le peuple, il doit être toujours prêt à écouter les plaintes qu’on a à lui porter, non seulement quand il tient son audience, mais encore à toutes les heures du jour. Si c’est une affaire pressée, alors on va à son hôtel, et on frappe à grands coups sur une espèce de timbale, qui est quelquefois à côté de la salle où l’on rend justice ; mais presque toujours hors de l’hôtel même, afin que nuit et jour le peuple puisse y frapper.

À ce signal, qui ne se donne que dans quelque accident extraordinaire, le mandarin, quelque occupé qu’il soit, doit tout quitter sur l’heure, pour accorder l’audience qu’on lui demande. Il est vrai qu’il en coûte la bastonnade à celui qui donne l’alarme, à moins qu’il ne s’agisse de quelque injustice criante, qui demande un prompt remède.

Une de ses principales fonctions est encore d’instruire son peuple : il tient la place de l’empereur, lequel, disent les Chinois, n’est pas seulement empereur pour gouverner, et pontife pour sacrifier, mais qui est encore maître pour enseigner ; et c’est pourquoi de temps en temps il assemble à Peking tous les Grands de la cour, et tous les premiers mandarins des tribunaux, pour leur faire une instruction, dont le sujet est toujours tiré des livres canoniques.

De même le premier et le quinzième de chaque mois, les mandarins s’assemblent en cérémonie dans un lieu, où l’on fait une ample instruction au peuple. Cette pratique est ordonnée par un statut de l’empire : le gouverneur fait en cela l’office d’un père qui instruit sa famille. C’est l’empereur lui-même qui a assigné les matières qu’on doit traiter dans ces sortes de discours : elles sont comprises en seize ordonnances impériales, que je vais rapporter.


Ordonnances impériales.

Première ordonnance. Qu’on pratique avec un grand soin les devoirs que prescrit la piété filiale, et la déférence que le cadet doit à son frère aîné ;