Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/590

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avant Chi hoang, s’était encore beaucoup augmentée sous ce méchant prince, puis il reprend et dit.

Le meilleur sculpteur du monde ne peut mettre en œuvre un bois pourri, dit Confucius ; et c’est aussi perdre se peine, que d’enduire une muraille de terre déjà vieille, et qui menace ruine. C’est dans un état semblable, que Han succédant à Tsin a trouvé l’empire. C’est pour cela que, malgré les grandes qualités et les bonnes intentions de nos empereurs, depuis le commencement de la dynastie, ils n’ont point eu le succès qu’ils souhaitaient. Il semble que plus ils prennent de moyens, moins ils réussissent. Ils font des lois ; elles n’ont d’autre effet que d’augmenter le nombre des crimes. Ils donnent des ordres ; ce sont de nouvelles occasions de fraudes. C’est comme si l’on s’efforçait d’arrêter le mouvement d’une eau qui bout, en y jetant d’autre eau bouillante. Souffrez, que pour vous expliquer ma pensée sur la manière de remédier à un si grand mal, j’employe la comparaison du kin[1]. Les consonances en sont quelquefois si dérangées, qu’on tâcherait en vain de les rétablir en tâtonnant çà et là. Le plus court alors est de changer toutes les cordes, et de remonter de nouveau l’instrument. Si l’on ne remonte un kin, quand il a besoin d’être remonté, le plus habile homme ne peut en rétablir les accords.

Il en est ainsi du gouvernement. Pourquoi le succès n’a-t-il point répondu jusqu’ici aux bonnes intentions et aux soins des Han ? C’est qu’en conservant pour le fond le gouvernement des Tsin ils n’ont visé qu’à en éviter les excès. Il fallait en revenir au gouvernement des anciens, surtout il fallait commencer par travailler efficacement à la conversion des peuples, et à leur faire aimer la vertu. Faute d’avoir commencé par là, tous les moyens qu’ils ont employé, depuis 70 ans qu’ils règnent, n’ont point réussi. Éprouvez-le, grand prince, efforcez-vous de procurer à vos peuples l’instruction dont ils ont besoin. Inspirez-leur par vos règlements et par vos exemples, de l’estime pour la vertu. Comptez plus sur cela que sur les défenses, les arrêts, et les châtiments. A proportion des soins que vous prendrez, vous verrez se détruire les abus, et le gouvernement prospérer. À ces calamités jusqu’ici si fréquentes, succédera la prospérité et l’abondance.

Le Chi king dit : procurez le véritable bien des peuples ; qu’aucun particulier n’échappe à vos soins : Tien vous comblera de biens. Il parle à ceux qui gouvernent, et les avertit que c’est ainsi qu’ils peuvent s’attirer les récompenses de Tien. Mais encore que faut-il donc que les princes fassent ? Il faut qu’ils mettent en crédit les cinq vertus[2]. C’est en les faisant fleurir, qu’un prince mérite le secours de Tien, la protection des Kouei chin, et qu’il se met en état de faire sentir les effets de son heureux règne jusqu’au-delà des bornes de son empire.

  1. C’est le nom d’un instrument de musique estimé à la Chine.
  2. Gin, la charité ; Y, la justice ; Li, l’attachement aux rits ; Tchi, la prudence ; Sing, la fidélité.