Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/631

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avancés à proportion de leurs services ; que cependant on m’élève à de nouveaux honneurs et à de nouveaux emplois ; pourrais-je les accepter sans rougir ?

Je suis en place depuis du temps, malgré mon peu de mérite : mais après tout, je suis bien loin du rang où votre excessive bonté veut aujourd’hui me placer. Trouvez bon que je vous propose des gens qui en sont bien plus dignes que moi. Li hi, Tçeng tchi et Li yun sont gens dignes de votre choix. Le premier qui est déjà Ta fou, joint à un désintéressement parfait de grandes vues, une intégrité à l’épreuve, et une gravité respectable. Le second aussi ta fou veille sur ses actions avec une attention singulière, et ne se permet pas la moindre liberté peu réglée ; c’est un homme sans reproche pour sa personne, et qui, sans flatter les passions, ou participer aux fautes d’autrui, vit cependant bien avec tout le monde. Le troisième qui est pareillement ta fou, homme aussi intelligent et désintéressé que les deux autres, a de plus un air aisé, et des manières très simples. Ces trois grands personnages ont vieilli à la cour : ils y ont toujours vécu et servi avec honneur : ils ont passé par divers emplois : mais leur maison n’en est pas plus riche. Me préférer à ces grands hommes, ce serait tromper l’attente de tout l’empire. Je suis si éloigné de vouloir être avancé au dessus de ma portée, que je pense au contraire à me retirer et j’ai résolu de le faire dans peu de temps. L’état présent de vos affaires m’oblige encore à différer. Mais souffrez, je vous le demande en grâce, que je n’accepte point vos nouveaux bienfaits. Trouvez bon que me bornant à l’état où je suis, je me rende à mon poste sur les frontières, où ma trop longue absence peut avoir de mauvais effets.


Une glose dit que l’empereur ne se rendit point aux excuses de Yang kou, qui était en effet un homme de grand mérite, et de plus, frère jumeau de l’impératrice. Il fut donc fait général, et en moins de deux ans il réduisit Ou, qui jusque-là s’était soustrait à la domination des Tsin.


Lieou che expose à l’empereur les avantages de la vertu Yang. Elle consiste à déférer et à céder volontiers aux autres.


Nos sages rois de l’antiquité avaient mis en vogue la vertu Yang, et témoignaient en faire une estime particulière. Ils avaient en cela deux vues. La première, de faire en sorte qu’on leur produisît les gens de mérite. La seconde, de couper pied aux jalousies, aux intrigues et aux disputes. Tout homme estime le mérite et la vertu. Chacun est naturellement bien aise de passer pour en avoir. Nos anciens le savaient bien : et quand ils recommandaient la déférence, ils étaient fort éloignés de prétendre, que par