Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/644

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à ma cour. Est-ce ainsi qu’en use un sujet fidèle et hors de tout reproche ?

Malgré tout cela, comme j’impute en partie vos fautes au trop peu de soin que j’ai eu de vous instruire de vos devoirs : je veux bien oublier le passé. Mais il faut désormais vous corriger, répondre à mes bontés par une soumission réelle et sincère ; remplir exactement les devoirs de sujet étranger ; suivre et imiter mon gouvernement au lieu de haïr et d’inquiéter ces autres étrangers vos voisins, leur inspirer par votre exemple la soumission et la vertu ; et surtout vous souvenir que, s’ils sont plus faibles que vous, ils sont, comme vous, mes sujets. Au reste, n’espérez pas me tromper par une vaine apparence. C’est tout de bon qu’il faut changer. Si vous le faites, je vous traiterai en bon sujet. Content de vous avoir converti, je ne penserai point à vous punir. La bonté et la justice est ce qu’estimaient sur toutes choses nos sages et anciens empereurs. Tout éloigné que je suis de la vertu de ces grands princes, je me fais cependant un devoir de les imiter. Tout mon empire en est instruit : et cela seul doit vous ôter vos craintes et vos défiances.

Si après la parole que je vous donne, j’envoyais contre vous des troupes ; que diraient de moi vos sujets ? Que diraient surtout les étrangers soumis, comme vous, à mon empire ? Déposez donc vos soupçons, changez de conduite, et soyez tranquille. J’ai subjugué Tchin, il est vrai : mais si vous demeurez dans le devoir, cela ne doit point vous alarmer. Tout le monde sait que c’est Tchin qui m’a forcé à le punir. Il avait, à bien des reprises, attaqué le heou de Fong qui m’est fidèle, et lui avait tué bien du monde. Il a pillé de côté et d’autre, et a eu la témérité de le faire même jusque sur mes frontières. Je lui avais plus d’une fois pendant l’espace de dix ans, donné des avis sur sa conduite. Tchin, au lieu d’en profiter, devenu fier par mes bontés, et comptant sur le Kiang[1] qui couvre ses terres, n’a fait cas ni de mes avis, ni de mes menaces. Il a même ramassé le plus qu’il a pu de troupes, et a paru me défier par son insolence. Forcé par une révolte manifeste, j’ai envoyé contre lui un de mes généraux avec assez peu de troupes. L’expédition n’a duré qu’un mois. Une matinée m’a fait justice d’une obstination de dix ans, et la défaite de Tchin a été suivie d’une paix universelle. Les chin[2] et les hommes s’en réjouissent. Vous seul, dit-on, en gémissez et prenez des alarmes : je ne vois pas trop pourquoi. Comme ce n’a point été la crainte de Tchin qui m’a engagé à vous bien traiter, sa défaite n’est point pour moi une raison de vous opprimer. Mais si j’étais d’humeur à le vouloir faire, qui vous mettrait à couvert ? Quelle comparaison des eaux du Lia[3], qui font vos frontières, avec le grand Kiang qui couvrait Tchin ! Votre royaume a-t-il plus

  1. Kiang signifie fleuve. C’est aussi le nom propre du plus grand fleuve de cet empire.
  2. Chin. Esprits.
  3. Nom de fleuve.