Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/65

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propre mouvement qu’ils avaient voulu donner ce témoignage public de leur respect envers Sa Majesté. Il leur en témoigna sa satisfaction. Les rues étaient si pleines d’hommes et d’enfants, qui s’échappaient au milieu des chevaux, que l’empereur s’arrêtait à tout moment, et paraissait y prendre plaisir.

A Sou tcheou on avait étendu des tapis sur le pavé des rues : l’empereur descendit de cheval à l’entrée de la ville, et commanda à sa cavalerie de s’arrêter, pour ne point gâter tant de belles pièces de soie qui appartenaient au peuple. Il marcha à pied jusqu’au palais qu’on lui avait préparé, et honora pendant deux jours cette ville de la présence.

C’est dans ces sortes de voyages, où l’empereur se déclare le protecteur et le père du peuple, que la justice est prompte et sévère à l’égard des mandarins, dont on a de justes sujets de plainte. Le père le Comte rapporte un de ces exemples de justice et de sévérité, par lesquels feu l’empereur Cang hi se rendit redoutable aux mandarins, et également aimable à son peuple.

« Ce grand prince s’étant un jour éloigné de sa suite, dit ce Père, aperçut un vieillard qui pleurait amèrement : il lui demanda le sujet de ses larmes : Seigneur, lui répondit cet homme qui ne le connaissait pas, je n’avais qu’un enfant qui faisait toute ma joie, sur lequel je me reposais du soin de ma famille ; un mandarin tartare me l’a enlevé, je suis à présent privé de tout secours, et apparemment je le serai toute ma vie ; car comment est-ce qu’un homme faible et pauvre comme moi, peut obliger le gouverneur à me rendre justice ? Cela n’est pas si difficile que vous pensez, lui dit l’empereur, montez en croupe derrière moi, et conduisez-moi à la maison de cet injuste ravisseur. Ce bon homme obéit sans façon, et ils arrivèrent ainsi tous deux après deux heures de chemin chez le mandarin, qui ne s’attendait pas à une visite si extraordinaire.

Cependant les gardes, et une foule de seigneurs, après avoir longtemps couru, s’y rendirent, et sans savoir encore de quoi il était question, entourèrent la maison, ou y entrèrent avec l’empereur ; alors ce prince ayant convaincu le mandarin de la violence dont on l’accusait, il le condamna sur-le-champ à perdre la tête. Après quoi se retournant du côté du père affligé, qui avait perdu son fils : pour vous dédommager entièrement, lui dit-il d’un ton sérieux, je vous donne la charge du coupable qui vient de mourir, ayez soin de la remplir avec plus de modération que lui ; et profitez de sa faute et de sa punition, de crainte qu’à votre tour, vous ne serviez d’exemple aux autres.


Excellence de la gazette chinoise.

6° Enfin rien n’est plus instructif et plus capable de maintenir les mandarins dans l’ordre, et de prévenir les fautes dans lesquelles ils pourraient tomber, que la gazette qui s’imprime chaque jour à Peking, et qui se répand de là dans toutes les provinces. On n’y insère que ce qui a rapport au gouvernement, et comme le gouvernement chinois est parfaitement monarchique, et que toutes les affaires tant soit peu considérables se rapportent à l’empereur, elle ne contient rien qui ne puisse beaucoup servir à diriger