estime fort, et tient pour un homme également vertueux et capable, peut bien avoir ses défauts et même ses vices. Tel que tout le monde éloigne pour des défauts réels et connus, a peut-être en même temps quelques bonnes qualités, dont on pourrait tirer avantage. Quand cela se trouve, à quoi se résoudre ? Rejeter ceux qui ont du talent, c’est se priver d’un secours utile. Reconnaître des gens pour vicieux, et ne pas les éloigner, c’est par là que commencent les plus grands troubles. Les gens mêmes auxquels on ne connaît point de vice, n’ont pas des talents égaux : on ne doit pas les employer indifféremment à tout. Kong tcho servit très utilement un grand royaume. Tze tsen y aurait échoué : il fut ministre dans un État plus petit : il y fit merveille. Tcheou pou bégayait et parlait mal. Kao tsou[1] ne laissa pas d’en faire un heou, et il paya bien cet honneur, en affermissant sur le trône cette famille prête à se perdre. See fou était au contraire un homme disert et qui parlait bien : tout beau parleur qu’il était, il ne put parvenir : on le vit solliciter sous Ven ti un poste à la ménagerie, encore ne put-il pas l’obtenir.
Entre les divers talents faire toujours le meilleur choix, le faire entre les personnes dont le talent est le même ; ce sont choses difficiles, et néanmoins nécessaires pour bien régner. Il y a de la différence non seulement dans les talents, mais encore dans les tempéraments, dans les naturels, dans les conditions, dans les inclinations, et même dans les vertus. Il y a dans tous ces genres plus d’une espèce, et dans chaque espèce, divers ordres. Quelle différence, par exemple entre un hiao ordinaire, et un autre hiao[2] du premier ordre ! Le premier consiste à servir gaiement son père et sa mère, à ne leur jamais perdre le respect, et à pourvoir à leurs besoins. Le second s’étend à procurer le bien de l’État, à rétablir la paix dans les familles, à l’exacte observation de tous les rits. Chun avait dans un éminent degré la vertu hiao : il n’eut cependant pas le bonheur d’agréer à ses parents. Tçen tçan avait dans un haut degré la vertu gin[3]. Ce n’est cependant pas celui de ses disciples que Confucius a loué. Confucius dit qu’un fils n’a pas la véritable vertu hiao, s’il fuit indifféremment tout ce que lui prescrit son père ; et qu’un ministre qui donne indifféremment dans toutes les vues de son prince, n’a point la vertu qu’on nomme tchong[4]. Aussi le grand Tcheou kong craignit-il moins de déplaire à son prince, que de manquer à le bien servir. Il assura le repos de l’empire par la juste punition d’un coupable cher au prince. Y ya au contraire, pour assurer sa fortune, eut toujours soin de s’accommoder aux inclinations de son roi : Koan