Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/665

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Confucius : Je connais des gens qui le savent faire. Ce que je voudrais, c’est quelqu’un qui fît en sorte qu’il n’y en eut plus à juger. Pour y réussir, que faut-il faire ? Établir et régler sagement les rits, instruire les peuples, les éclairer sur leurs passions, et les mettre en garde contre leur surprise, les soutenir et les affermir dans l’usage de leur raison. Serrer, pour ainsi dire les nœuds de la nature qui leur est commune, et leur inspirer les uns pour les autres un amour sincère ; cet amour bannira l’envie de se nuire ; chacun se piquera de remplir tous ses devoirs et l’on verra partout régner l’ordre.

En vain tâcherait-on d’en venir là par la multitude, ou par la rigueur des lois. Il n’y a que l’instruction soutenue du bon exemple, qui puisse avoir un si bel effet. Aussi nos plus sages rois ont-ils toujours mis les châtiments beaucoup au-dessous des rits et de la vertu ; et Chun, comme nous l’apprend le Chu king, ne chargea Kieou yu de présider aux cinq punitions qu’après l’avoir chargé de faire bien inculquer à tout l’empire les cinq capitales instructions. Bien plus. La fin même des punitions n’est pas précisément de punir les fautes, et de faire souffrir les coupables ; c’est ou de détourner du mal, ou de remédier à quelque désordre ; c’est de faciliter le chemin de la vertu, en étrécissant celui du vice. Du reste, c’est l’instruction et l’exemple que doivent ordinairement employer les princes. Quand ils emploient ces moyens, chacun prend des sentiments nobles, et se conduit par de grands principes : au lieu que sous les méchants princes, quelque rigoureux qu’ils soient à punir, chacun n’ayant que des inclinations basses, on ne voit que trouble et que désordre.

Il en est de même à proportion, de la conduite des magistrats par rapport aux peuples de leur ressort, et l’on peut dire avec raison que la figure du métal ne dépend guère plus de la figure du creuset où on le fond, et du moule où on le jette, que les mœurs des peuples dépendent des princes et des magistrats qui les gouvernent : de sorte qu’encore aujourd’hui un prince qui imiterait nos anciens rois, ferait revivre ces heureux règnes. Il est vrai que ces grands princes ont eu bien peu de parfaits imitateurs. Mais dans la décadence même de la dynastie Tcheou, si le gouvernement n’avait pas pour fondement, comme autrefois, l’instruction et le bon exemple ; si l’on comptait plus sur les lois ; du moins trouvons-nous qu’on s’y tenait religieusement. Un bon prince, disait Koang tchong[1] s’en tient aux lois, non à ses vues. Il fait céder au bien public et au sentiment commun ses inclinations et les idées particulières, et l’on ne peut réussir autrement.

Les choses en étaient là les premières années de votre règne. Les lois étaient votre règle ; vous les observiez exactement dans la punition des fautes : dans le doute vous mettiez l’affaire en délibération ; vous écoutiez avec patience tous les suffrages, et vous suiviez sans hésiter le parti le plus approuvé.

  1. Fameux ministre, par le secours duquel Hoe kong, prince de Tsi, devint si puissant, qu’il était presque égal à l’empereur.