Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/716

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communément les plus vils animaux. La disette a été si grande à Hiu et à Ping qu’on y a vu les proches parents se manger les uns les autres.

À cette pluvieuse automne a succédé un hiver, non pas froid et sec, comme il convenait, mais humide et tempéré, tel que le printemps a coutume d’être. Les plantes et les arbres ont poussé hors de saison. Après quoi sont venus dans le printemps des vents très rudes. Enfin cet été dernier les maladies contagieuses ont fait un ravage horrible dans plus de cent lieues de pays. Dans les maisons, ce n’était que malades ; dans les chemins qu’enterrements. Au commencement de cet automne les grains étaient les plus beaux du monde. Les peuples commençaient à respirer dans l’espérance d’une abondante récolte. On était sur le point de la recueillir, lorsqu’il est tombé une pluie si extraordinaire, qu’en un jour et une nuit les rivières et les ruisseaux se sont débordés, ont fait remonter contre leur cours les torrents les plus rapides, ont enlevé les ponts les plus exhaussés, ont couvert de hautes collines, et fait de la campagne une vaste mer, et ont ravagé toutes les moissons.

Ici dans votre capitale, la désolation n’est guère moins grande. L’inondation en a enlevé toutes les barrières : elle en a fait écrouler les portes et les murailles. Les tribunaux des magistrats, les greniers publics, les maisons du peuple et des soldats, tout a souffert. Bien des gens ont péri, ou accablés sous les ruines de leurs maisons, ou submergés dans les eaux. Ces calamités, certainement sont des plus extraordinaires. Je ne sache pas que depuis plusieurs siècles on ait rien vu de semblable. Comment V. M. n’en est-elle pas effrayée ? Comment ne pense-t elle pas à examiner sérieusement en quoi elle peut avoir contribué à attirer de si grands malheurs ? Mon zèle m’y a fait penser pour vous, et je crois que de votre part trois causes y ont contribué.

Premièrement, votre conduite à l’égard de l’impératrice mère. Cette princesse pleine de bonté, de sagesse, et de vertu, est devenue votre mère, en vous adoptant, et vous destinant l’empire de concert avec Gin tsong. Dès que vous fûtes entré dans le palais, elle y eut toujours pour vous tous les soins de mère. Gin tsong étant mort et vous malade, on a vu cette princesse à genoux devant l’appartement de l’empereur, battant la terre du front jusqu’à se blesser, prier pour votre santé avec les dernières instances. Comment, après cela, sur le faux rapport de quelques langues empoisonnées, qui ont entrepris de vous aigrir contre elle, vous êtes-vous laissé persuader que cette princesse n’a pas toujours eu pour vous les sentiments d’une bonne mère ? Quand cela serait vrai en partie, est-il permis à un fils d’entrer en compte avec père et mère, et de n’avoir pour eux de la tendresse et du respect, qu’à proportion qu’il jugera en avoir été traité bien ou mal ? Qui jamais a ouï parler d’une telle maxime ?

En voici une au contraire bien mieux établie, et communément reçue. Un grand bienfait, dit la tradition, doit faire oublier les petits sujets de plainte. Or le feu empereur vous a tiré du gouvernement d’une province