Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/728

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mettre sur pied jusqu’à neuf cent soixante mille hommes. De ce haut degré de puissance, jetant les yeux sur un petit État voisin, il lui prit envie de s’en emparer. Ce n’est, dit-il en lui-même, qu’un assez petit coin de terre ; quelles forces y a-t-il pour me résister ? C’est une conquête sûre et facile. Aussitôt il s’y dispose. Tous ses sujets étaient contraires à cette entreprise également injuste et hors de saison. Il eut sur cela des remontrances de la part des meilleures têtes : on lui en fit faire par son propre fils. Tout fut inutile, ce prince entêté de son idée, trouva Mou yong tchoui, un de ses généraux qui l’y confirma. Pourquoi, prince, lui dit-il, écoutez-vous tant de gens ? Que peuvent produire leurs discours, sinon d’obscurcir vos propres lumières ? Voilà un excellent homme, dit le prince, je n’ai trouvé que lui seul, qui fut disposé comme moi, à assurer, par cette conquête, le repos de mon État. Aussitôt les troupes se mettent en campagne, et s’avancent vers Cheou tchun au midi. L’ennemi donna dessus, avant qu’elles fussent bien rassemblées, et la défaite en fut entière.

Fou kien ne fut pas plus heureux dans ses entreprises au nord. Huit cent mille hommes y périrent, ou se dissipèrent. La même chose arriva à Tsin tai sous les Tang. La pensée vint à ce prince d’ôter à Tsin le commandement de Tai yuen, et de le reléguer à Kiun tcheou. Ce qu’il y avait de gens à la cour intelligents et fidèles, n’en eurent pas plus tôt connaissance, qu’ils s’efforcèrent à l’envi de montrer à l’empereur qu’il n’était pas encore temps. Le prince appelant pendant la nuit et en particulier Siue ouen yu son confident ordinaire, qui faisait l’emploi de kiu mi : que pensez-vous de mon dessein, lui demanda-t-il ? Bien des gens ne le goûtent point. C’est un proverbe, dit le confident, que celui qui bâtit une maison sur le bord d’un grand chemin, ne l’achève pas en trois ans. Pourquoi écoutez-vous tant de gens ? Qui peut vous conseiller mieux que vous-même ? L’empereur satisfait de cette réponse, lui dit : Un devin me promit dernièrement, que je trouverais cette année un homme capable de me seconder dans le dessein de faire fleurir mon empire. Justement je le trouve en vous. Aussitôt il charge Siue ouen yu de dresser l’ordre contre Tsin. Le matin quand on le sut, tout le Conseil en pâlit. Six jours après la nouvelle arrive, que Tsin qu’on avait averti, s’était révolté, et marchait à la tête d’une grosse armée. L’empereur saisi de tristesse et de frayeur : c’est ce malheureux Siue ouen yu, s’écria-t-il, qui m’a jeté dans ce précipice. Il frémissait en disant ces paroles, et voulait tirer le sabre pour le tuer de sa propre main. Prince, dit Li song en le retenant, votre repentir vient trop tard, le mal est fait. Comme en effet, le mal était pressant, et qu’on n’y voyait pas de remède, l’empereur et ses officiers fondaient en larmes.

Fou kien et Tsin tai chacun dans son temps, suivirent, contre l’avis du grand nombre, le sentiment d’un homme seul qui s’accommodait à leur idée. Leur perte qui s’ensuivit, est une preuve du danger qu’il y a d’en user ainsi. Fou kien cependant ne se proposait rien moins avec son général Mou yong tchoui, que d’assurer un repos durable à son vaste État, par une conquête qui lui paraissait également sûre et facile. Tsin tai regardait