Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/745

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peu éclairé que Te tsong, pour se laisser gouverner par un homme de ce caractère. De tout ceci l’on pourrait conclure que les prédictions de Chan kiu yuen, et de Kuo fuen yang, sur Ouang yen, et sur Lou ki, pouvaient encore ne pas paraître tout à fait infaillibles.

Mais aujourd’hui s’élève un homme, qui a sans cesse à la bouche les plus belles maximes de Confucius et de Lao tze, mais qui ne suit dans sa conduite que la méthode de Koan[1] tchong. Il s’est formé un cortège de certains lettrés, dont la fortune ne répond pas à leur ambition : lui et eux se sont fait dans leurs conférences une espèce de langage particulier. Ils s’y donnent de nouveaux noms. C’est à qui louera le plus partout ce pédagogue. On n’hésite point à dire que c’est Hien gen yuen, ou Mong tse ressuscité. L’examine-t-on un peu de près ? Dans le fond, c’est un méchant homme, qui cache autant qu’il peut sous certains dehors, une malice, et une cupidité non commune, En un mot, c’est Ouang yen, et Lou ki réunis dans un seul homme. Jugez ce qu’on en doit attendre.

Pour les dehors du personnage, les voici : se laver le visage, nettoyer ses habits, sont des soins que naturellement chacun prend. Pour lui au contraire, il affecte un air sordide : ses habits sont de chanvre : sa nourriture approche fort de celle des chiens et des cochons. Il a toujours la tête d’un prisonnier, visage d’un homme en grand deuil. Il cite à chaque pas les sentences de nos King ; mais il est bien éloigné de les vouloir exprimer dans sa conduite. C’est assez l’ordinaire qu’un homme qui, contre le temps commun et les inclinations les plus raisonnables de la nature, donne dans la singularité et dans des dehors équivoques, est au fond un méchant homme, et cherche à se déguiser. C’est la route que prirent autrefois Y ya chu tiao, et Kei fang pour s’insinuer à la cour de Fei, et pour tout bouleverser. C’est aussi la route que prend notre homme ; malgré les bonnes intentions d’un prince équitable et zélé pour le bon ordre, malgré les lumières d’un grand et sage ministre, je le vois prêt de parvenir aux honneurs qu’il a toujours eu en vue. S’il y arrive (j’ose le dire avec bien plus de certitude qu’on ne le dit autrefois de Ouang yen et de Lou ki) ce sera pour le malheur de l’empire. Si on l’arrête en chemin, et qu’on l’éloigne, le commun des hommes peu instruit ne manquera pas de me blâmer et de le plaindre. C’est dommage, dira-t-on, c’était un homme de mérite. Sou siun a porté trop loin ses soupçons et ses conjectures. Mais s’il continue d’avancer, et s’il fait encore quelques pas qui lui restent à faire ; ce qu’en souffrira l’empire, vérifiera bientôt ma prédiction : j’aurai la réputation de prophète ; triste consolation pour un homme, qui a le bien de l’empire à cœur.


Ouang ngan ché devint ministre d’État. Dans le recueil d’où l’on tire ces pièces, il y a bon nombre de remontrances contre un nouveau

  1. Ministre de Hoen kon, roi de Tsi, habile à vexer les peuples.