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discours : c’est, 1° parce qu’ayant l’honneur de vous connaître, je n’ai garde de vous confondre en ce qui s’appelle modération et grandeur d’âme, avec le commun des princes. C’est en second lieu, parce que je ne doute pas que dans la suite V. M. ne se repente vivement d’avoir suivi cette passion, et ne sache alors bien mauvais gré à ceux qui ayant honneur de l’approcher, ne lui auront pas fait sur cela le moindre mot de remontrance. C’est enfin, parce qu’étant vieux et prêt d’aller trouver dans l’autre monde[1] le feu empereur votre père, je veux prévenir le reproche qu’il me ferait, si je m’étais tu comme les autres. Pensez-y, grand prince, et pardonnez-moi ma témérité.


MÉMOIRE DE SOU CHÉ
sur le gouvernement.


Le mémoire est long ; j’en traduirai quelques articles entiers, et je ferai un extrait de quelques autres.

On le dit, et il est vrai, quoique, pour bien gouverner dans un temps de troubles, il faille s’y prendre autrement que quand tout est tranquille ; il y a cependant pour chacun de ces divers temps certaines règles assez connues. De là vient qu’un sage prince, ou un habile ministre, qui voit naître quelque embarras, s’en afflige sans se troubler. Il sait ce qu’il a à faire en ces occasions. Si c’est une inondation ou une sécheresse qui réduit les peuples à l’indigence, qui les oblige de se disperser, et ensuite de se réunir pour piller et voler de côté et d’autre ; on sait que ce qui presse alors, c’est de fournir aux peuples le nécessaire, et que c’est le moyen d’entretenir la paix. Si c’est quelque sujet rebelle, qui voudrait partager l’empire, et qui est à la tête d’une armée, on sait que ce qu’il y a à faire, c’est de lui opposer au plus tôt de bonnes troupes. Si c’est quelque ingrat favori, qui abuse des bontés du prince, qui usurpe l’autorité, qui se fait le maître des vies et des fortunes, sans la participation du souverain ; on sait qu’il n’y a qu’à lui faire au plus tôt son procès, et le punir comme il le mérite. Si ce sont les barbares du voisinage qui font des excursions sur nos terres, il est clair qu’il faut pourvoir à la sûreté des frontières. Ces troubles de différente espèce traînent après eux bien des maux ; mais enfin ils sont sensibles ces maux, on les voit, on connaît leur cause ; par là on est en état d’y apporter un remède convenable.

Ce qu’il y a de fâcheux et d’embarrassant, c’est lorsque dans un État, sans qu’aucune de ces causes paraisse, on ressent presque tous les effets qu’elles ont coutume de produire : on ne sait où tourner ses vues, et l’on attend, pour ainsi dire, les bras croisés, quelque grande révolution. Voilà ce me semble, où en sont aujourd’hui les choses.

  1. Le texte dit sous la terre.