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DISCOURS DE FAN SUN.
Du Repentir


Une ancienne tradition dit : aujourd’hui repentez-vous des fautes d’hier, et sur la fin de chaque lune, des fautes du commencement[1]. O que cela est bien dit, et que nos anciens s’y prenaient bien pour devenir sages et parfaits ! A moins que d’être Yao et Chun[2], qui peut tout faire si parfaitement, qu’il ne lui échappe aucune faute ? Mais quand il en est échappé quelqu’une, si l’on s’en repent efficacement et sincèrement, cette faute est réparée. Aussi, parmi nos anciens sages, même parmi ceux du premier ordre, il n’en est point qui n’ait marché par cette voie.

Fan sun le prouve par des exemples tirés de l’antiquité, auxquels il joint, en confirmation, quelques textes des anciens King ; après quoi il continue son discours.

Le repentir, dit-il, suppose des fautes. Mais par ce même repentir, on en diminue chaque jour le nombre : et s’il y a un moyen de parvenir à n’en plus faire, c’est assurément celui-là. Peut-on donc négliger cet exercice ou s’en lasser ? Au reste je ne borne pas le repentir que je recommande, à rétracter ou à corriger ce qu’on a dit ou fait de mal, il doit s’étendre jusqu’aux pensées et aux affections les plus secrètes. En naît-il, quelqu’une tant soit peu mauvaise ? D’abord le repentir doit suivre, et ce repentir empêchera qu’on ne passe aux paroles et aux actions. Faire des fautes, et ne savoir point les reconnaître, c’est aveuglement. Les reconnaître sans vouloir se corriger, c’est imprudence. Penser à se corriger, mais ne le vouloir qu’à demi, craindre d’y travailler sérieusement, s’épargner, pour ainsi dire, et se ménager soi-même ; c’est lâcheté. Rien de plus contraire que ces vices au véritable repentir.

Quand le soleil ou la lune souffrent une éclipse, soit que l’éclipse soit totale ou non, elle ne dure jamais longtemps : et au moment qu’elle finit, ces astres, aussitôt paraissent avec leur première clarté. La vie de l’homme a ses éclipses, ce sont ses fautes. Le moment où il s’en repent, comme il faut, est justement la fin des éclipses : il recouvre alors son éclat aussi bien que ces deux astres. Mais il se passe en l’homme tout le contraire de ce qui se passe au Ciel ; lorsque par attache à ses passions, il n’a point ce véritable et efficace repentir, l’éclipse chez lui ne finit point : il persévère

  1. Le chinois dit tout cela en six lettres.
  2. Il a semblé excepter Yao et Chun. Cependant ici l’application est générale. Ce qui prouve qu’au lieu de mettre à moins d’être Yao ou Chun, il faudrait mettre pour parler juste et conséquemment : fût-ce Yao même ou Chun, mais j’ai mis ce qui réellement est dans le texte.