Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/788

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dans les ténèbres. Qu’y a-t-il donc de plus important qu’un bon repentir ? Qui pourra se rebuter et se dégoûter d’un si utile exercice ?

La trente-deuxième des années nommées Chao ching, Hiao tsong montant sur le trône, fit publier une déclaration, dans laquelle il recommandait instamment qu’on lui donnât librement des avis et des mémoires. Tchu hi alors en charge dans les provinces, adressa un long discours à l’empereur, dans lequel il lui dit entr’autres choses ce qui suit.

L’ordre de Tien[1] qui vous aime et vous protège, est tout récent et dans sa force. Rien n’a pu encore refroidir le zèle et l’attachement de vos sujets. C’est à vous, grand prince, de profiter de ces conjonctures. A en juger par les éloges qu’on vous donne, et dont les grands chemins retentissent, on n’attend de V. M. rien de commun. Vos sujets ne vous regardent pas seulement comme un bon maître, mais comme un prince qui doit faire l’honneur de sa dynastie, en recouvrant les terres usurpées par les barbares, en remédiant aux maux que vos peuples en ont souffert, et en vengeant les insultes qu’en ont reçu vos ancêtres. Comment faut-il vous y prendre, pour répondre avec succès à de si hautes espérances ? De là dépendent non seulement la gloire de votre règne, mais la paix de l’État, l’honneur de votre dynastie, et la sûreté de votre maison.

Jusqu’à présent nous n’avons point aperçu dans votre personne et dans votre gouvernement, les fautes et les défauts dont votre modestie s’accuse. Cependant j’ose vous dire, qu’en vain vous vous promettriez du succès, sans deux choses essentielles, que je prends la liberté de vous recommander instamment. La première, est d’étudier avec constance, et de vous rendre familières les maximes de nos anciens rois. La seconde est de renoncer au plutôt d’une manière bien déterminée à tout traité avec les barbares. Ces deux points sont importants, et méritent votre attention. Sans le premier, il vous échapperait peu à peu beaucoup de fautes ; sans le second, le gouvernement, vu l’état présent des choses, ne saurait être que défectueux, et vous ne pourrez négliger ni l’un ni l’autre, sans de très fâcheuses suites.

Pour vous exprimer plus nettement ma pensée sur le premier point, souffrez que je vous rappelle aux temps de Yao, de Chun, et de Yu. Ces grands princes, vous le savez, se transmirent successivement et l’empire, et leurs maximes. Une de celles qu’ils répétaient le plus fréquemment, était celle-ci. Rien de plus dangereux que le cœur humain[2] et ses passions, Rien de plus délicat que la pure et droite raison[3]. Ce n’est qu’en l’épurant sans cesse, et la faisant régner seule, qu’on tient constamment le vrai milieu. Ces grands princes étaient nés sages. Ils en avaient moins besoin

  1. C'est-à-dire vous ne faites que de monter sur le trône.
  2. Le chinois dit mot à mot gin sin, le cœur de l’homme.
  3. Le chinois dit, tao sin, le cœur de tao. Or tao dans cet endroit, et en bien d’autres, signifie la pure et droite raison, et gin sin opposé à tao sin marque les passions naturelles au cœur humain.