Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/819

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tchi fut négligé, et par là devint inutile. Malgré ce différent succès, voici ma pensée sur l’un et sur l’autre. Tous deux furent gens très éclairés. Kong tchi fut un ministre sans reproche. Siun si l’aurait été dans de plus heureux siècles. C’est dommage qu’il se trouva dans un temps, où l’usurpation devenue commune n’avait presque plus rien d’odieux.


Tsing et Tchao[1] s’étant brouillés, et ayant assemblé chacun son armée, l’on en vint aux mains. Tchao perdit la bataille ; et Tsing vainqueur assiégea Kan tou. Mais ses troupes étant épuisées de fatigues, il leva peu après le siège. Le roi de Tchao étant rentré dans la capitale, pensait à envoyer vers son ennemi pour traiter d’accommodement, et lui offrir pour cela six de ses villes. Il prenait cette résolution par le conseil de Tchao ho ; et c’était Tchao ho lui-même, qui devait aller traiter. Yu King l’ayant su, va trouver le prince pour l’en dissuader. Permettez-moi, prince, lui dit-il, de vous demander pourquoi Tsing a levé le siège de Kan tou, et s’est retiré ? Est-ce que tout à coup il a pris d’autres sentiments à votre égard, et que pouvant vous détrôner, il vous a épargné par amitié ? Ou n’est-ce pas plutôt parce que ses troupes quoique victorieuses, ont beaucoup souffert ? La victoire leur a coûté cher, et je ne doute point que l’état où elles se trouvent, ne soit la cause de cette retraite. Tsing attaque une de vos villes, ne peut la prendre, se retire, et vous travaillant pour lui contre vous-même, vous voulez lui en donner six. Il n’a qu’à vous attaquer ainsi les années suivantes, et vous n’avez qu’à en user aussi de la sorte ; vous voilà bientôt sans villes. Le roi ayant rapporté le tout à Tchao : Yu king, répondit-il, d’un ton moqueur, a-t-il mesuré les forces de Tsing ? Comment sait-il s’il s’est retiré par pure fatigue ? Mais je le veux : si en lui refusant un terrain de peu d’importance, vous le faites revenir l’année prochaine, ce sera bien autre chose : vous n’en serez pas quitte pour si peu. Il faudra peut-être entamer jusqu’au cœur de votre royaume. Cédons ce terrain, j’y consens, dit le roi : mais me répondez-vous, moyennant cela, que Tsing ne m’attaquera point les années suivantes ? Moi, en répondre, dit Tchao ho ? Non, je ne le puis ; et je l’ose d’autant moins, que les autres États voisins, par exemple Hou et Hoei, ont eu soin de gagner Tsing par des cessions considérables. Mais il me paraît important de nous procurer quelque repos, et d’ouvrir le chemin à des traités. C’est à quoi je m’offrais de travailler. Du reste, comme Hao et Hoei ont fait depuis du temps leur traité avec Tsing ; et que d’ailleurs les six villes que je proposais de lui offrir, ne sont rien en comparaison de ce que ces États lui ont cédé, il est à croire qu’il les épargnera plus que nous : ainsi je ne garantis rien pour la suite.

Yu king instruit de tout par le roi : n’avais-je pas raison, prince, lui dit-il ? Ho lui-même reconnaît que si Tsing revient, il faudra peut-être entamer jusqu’au cœur de votre royaume. Il reconnaît en même temps, que ces six villes cédées, on ne peut répondre que Tsing nous laisse en repos.

  1. Nom de deux royaumes faisant partie de l'empire de la Chine.