Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/859

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lequel vous êtes aujourd’hui : mais comme il ne dépend pas de l’homme d’y parvenir, sachez qu’il n’est pas non plus en son pouvoir, d’empêcher que ces belles années ne s’écoulent bien promptement. Enfin il est aussi facile de se laisser entraîner au torrent du siècle, que difficile d’y résister. Pesez tout ceci, mes chers disciples, et que ces considérations vous animent à faire de nouveaux efforts.




Le même exhorte ses disciples à tenir en son absence de fréquentes conférences.


Les plantes les plus faciles à élever, ne laissent pas de mourir, si, pour un jour de soleil, elles en ont dix d’un grand froid. Quand je viens ici, vous vous empressez tous de vous assembler, aucun de vous ne manque à se trouver aux conférences qui s’y font ; et chacun dans ces conférences témoigne une grande ardeur de profiter. Cela me fait un vrai plaisir : mais je ne viens ici que rarement : quand j’y viens, je n’y reste que peu de jours et tout ce que je puis faire, c’est de vous assembler trois ou quatre fois. Aussitôt que je suis parti, voilà les conférences finies. Chacun de vous se tient chez soi et les journées se passent sans que vous vous voyiez les uns les autres. C’est bien plus de dix jours de froid contre un de chaud. Le moyen que la sagesse, plante qui est si difficile à élever, puisse fleurir parmi vous.

Je vous exhorte donc à ne pas borner ainsi vos assemblées au temps que je puis rester ici. Tous les cinq jours, s’il est possible, ou du moins tous les huit jours, il faut, toute autre affaire à part, vous assembler une fois pour vous entretenir de la vertu, et vous animer à la pratiquer. C’est un excellent moyen pour achever de vous débarrasser de tous les amusements du siècle, et d’avancer beaucoup en peu de temps dans la vraie doctrine, qui n’est autre chose pour le fond, que la charité et la justice.

On le dit, et il est vrai, pour faire bien et promptement un achat, il faut aller au marché. S’agit-il d’un grand édifice, ou d’un autre ouvrage considérable ? Il n’y a point de meilleur moyen d’y réussir, que d’en délibérer auparavant en commun. Assemblez-vous donc souvent, mais n’apportez à ces assemblées ni passion, ni préjugé. Témoignez-vous les uns aux autres de l’attachement et du respect ; et sachez que dans un commerce comme le vôtre, celui-là gagne le plus qui sait le mieux céder aux autres. S’il arrive quelquefois, qu’on ne convienne pas sur quelque point, c’est alors que, sans s’échauffer, et sans donner aucune entrée à cette malheureuse envie que chacun a naturellement de l’emporter, il faut se recueillir avec plus de soin, et chercher uniquement la vérité. Que si quelqu’un par vanité, ou par jalousie, se fait une affaire d’avoir le dessus, ces fréquentes