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résolution manque, est un champ où l’on n’a semé rien de bon, et où il ne croîtra conséquemment qu’ivraie toute pure. Un cœur qui a cette résolution, et qui s’en tient là, c’est un champ bien ensemencé mais ensuite abandonné sans culture. Le bon grain qu’on y a semé sera suffoqué par l’ivraie. Je ne vous dissimule point que je crains beaucoup pour vous quel que chose de semblable.





Réponse de Ouang yang ming à deux de ses disciples.


Kouen ki est un homme qui a beaucoup de lumières, et dans qui j’ai toujours reconnu beaucoup d’ardeur pour la vraie sagesse : je suis ravi d’apprendre que vous ayez avec lui de fréquents entretiens : cela ne peut manquer de vous être utile. Sur ce que vous me proposez de sa part, voici ce que j’ai à répondre. Sans doute il est permis de se procurer quelque emploi, et quelques revenus, surtout quand d’ailleurs on n’a pas de bien, et qu’on ne peut sans cela pourvoir aux besoins de ses parents déjà vieux. Conséquemment il est permis de prendre ses degrés, de se produire au dehors, et de faire connaître ses talents. Car il est contre la raison, quand on aspire à quelque emploi, de l’attendre uniquement de Tien, sans prendre de son côté nul des moyens humains pour y parvenir. Mais voici à quoi il faut prendre garde. Premièrement, ne jamais s’écarter du droit chemin de la raison, soit dans les vues qu’on se propose, soit dans les moyens qu’on prend pour y réussir. En second lieu, ne point se laisser troubler par le bon ou par le mauvais succès. Celui qui se sent ferme sur ces deux points, peut, sans déroger à la qualité de sage, se procurer des emplois, et s’y occuper. Mais aussi ces deux points sont si essentiels, surtout le premier, que s’il manque, en vain renoncerait-on aux degrés, aux emplois, et à tout le reste ; en vain passerait-on les jours entiers à parler de la vertu ; ce ne serait que vanité. Aussi nos anciens ont-ils dit comme en proverbe : ce n’est pas un grand mal que de quitter l’occupation de philosopher ; le point est de ne point quitter l’amour de la vraie sagesse, et la résolution d’y tendre toujours. Sur quoi il est à remarquer, qu’on dit qu’il ne faut pas quitter cette résolution, cela suppose qu’on l’a déjà. Il faut sur cela que chacun se sonde. Plus je pense aux bonnes qualités que vous avez, plus je me sens porté à vous presser de ne les pas rendre inutiles.

Faites attention, mes chers disciples, qu’autant qu’il est rare d’avoir un aussi heureux naturel que le vôtre, autant est-il facile de le corrompre et d’en abuser. Ce n’est pas un petit avantage de trouver quelqu’un qui nous instruise dans les voies de la vraie sagesse. Mais sachez qu’autant qu’il est rare et malaisé de rencontrer un homme qui nous les fasse bien connaître, autant est-il facile et ordinaire de s’en écarter, lors même qu’on les a connues. Ne parvient pas qui veut à cet âge mûr et plein de vigueur, dans