Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/867

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d’exemples en ce genre. Voilà ce que l’antiquité m’apprend. Je ne trouve point qu’on y ait cru que quelques caractères bizarres, et quelques imprécations lancées sur l’eau, puissent obtenir de la pluie. Si dans les siècles postérieurs il s’était trouvé quelques tao-ssée[1], dont on pût bien assurer qu’ils faisaient pleuvoir au besoin, on pourrait penser que c’étaient des hommes d’une vie pure et sans reproche, d’une vertu solide et constante ; que, sans s’être attachés exactement à la vraie pratique de l’empire, ils ne laissaient pas d’être des hommes singuliers beaucoup au-dessus du commun ; et que peut-être par là ils pouvaient obtenir de la pluie.

Mais sur quel témoignage est appuyé ce qui se dit en ce genre ? Sur des histoires et des récits romanesques. Nos King et nos autres livres autorisés, n’ont rien de semblable, et ce qu’il y a de gens sages, regardent tout ce qu’on en dit comme des contes faits à plaisir. Bien moins peut-on attribuer rien d’approchant aux tao-ssée d’aujourd’hui. C’est une vile canaille qui n’est guère moins méprisable que ces charlatans des foires, qui débitent dans les carrefours toutes sortes d’impertinences. Que des gens de cette sorte aient en leur pouvoir le tonnerre, les éclairs, les vents, la pluie, et les autres changements de l’air pour en disposer à leur gré ; qu’y a-t-il de plus incroyable ?

Ce que je vous conseille, c’est de remettre à un autre temps les affaires qui se peuvent différer, de vous bien examiner dans la retraite, de vous interdire et aux autres toute dépense et tout luxe, de réparer exactement les torts que vous pourriez avoir faits ; puis avec des intentions droites et pures, dans des sentiments sincères et de douleur, et de pénitence, d’invoquer Chan, Tchuen, Ché tsi, au nom et en faveur des peuples de vos huit hien[2]. Pour ce qui est des prières et des prétendus secrets des tao-ssée, si le peuple de lui-même les emploie, contentez-vous de le laisser faire, et de ne pas le lui défendre : mais ne comptez point là dessus vous-mêmes, et ne témoignez jamais en faire aucun cas.

Sur quoi vous devez compter, c’est si dans votre conduite ordinaire vous n’avez rien à vous reprocher devant Chin ming[3] ; si dans l’occasion présente vous redoublez votre attention sur vous-même ; et si dans ces dispositions, à la tête de vos collègues et de vos subalternes, vous priez avec une attention droite et pure ; quoique la sécheresse me soit également funeste, quelque peu de vertu que j’aie, je ne distingue point mes intérêts de ceux du peuple. Si j’avais réellement quelque secret pour lui procurer la pluie qu’il souhaite, aurais-je eu la dureté de le voir dans l’affliction,

    Chang ti, tantôt seulement Ti. C’est ainsi que nous disons indifféremment, offrir au seigneur, ou bien offrir au souverain seigneur.

  1. Ministres de la secte Tao.
  2. La ville du premier ordre, dont ce mandarin était premier officier, avait dans sa dépendance huit villes de troisième ordre.
  3. Chin signifie esprit, spirituel, excellent, impénétrable. Ming signifie intelligence, connaissance, claire pénétration, etc. Je laisse au lecteur à déterminer le sens de cette expression par ce qui a précédé et ce qui suit.