Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/881

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fleuve Kiang, elle s’y arrêta. Alors, sentant naître en son cœur quelque inquiétude sur la manière dont elle pourrait vivre, elle se répondit par ces paroles : les oiseaux et les autres animaux laissent tomber tous les ans plus de plumes et de poil, qu’il ne m’en faut pour me faire quelques habits : il se perd dans les campagnes plus de grains et plus de fruits qu’il ne m’en faut pour me nourrir.

Lai tse touché du discours et de l’exemple de sa femme, la suivit malgré son engagement. Ils s’arrêtèrent tous deux au midi du Kiang : bien des gens les y suivirent, et y transportèrent leurs familles. En moins d’un an il se forma là un nouveau village, qui dans l’espace de trois ans devint une grosse bourgade.


Le roi de Tsou ayant entendu beaucoup louer la sagesse et la vertu de Yu leng tse tchong, en voulut faire son ministre. Il lui dépêcha un homme de sa cour avec des présents, pour lui en faire la proposition. Yu leng tse tchong l’ayant entendu, pria l’envoyé d’attendre un moment, et qu’il allait lui rendre réponse. Il entre dans l’intérieur de sa maison, et s’adressant à sa femme : le roi, lui dit-il, me veut faire un de ses ministres : que vous en semble-t-il ? Si je dis oui, dès demain nous serons suivis d’un nombreux cortège, et nous aurons un pompeux équipage, nous aurons une table bien servie, et tout le reste à proportion. Encore une fois qu’en pensez-vous ? Depuis bien des années, répondit la femme, nous gagnons notre vie dans un petit commerce, et rien ne nous a manqué. Vous avez encore le loisir de lire, et de jouer de temps en temps quelque bel air. Vous n’êtes, même en travaillant, jamais sans vos livres d’un côté, sans votre kin de l’autre, et sans une joie pure au milieu. Ce train dont vous me parlez, n’est qu’une vaine parade. Pour ce qui est de la table, il est vrai qu’elle serait garnie de viandes exquises, que vous n’avez pas à présent : mais cela vaut-il la peine de vous charger de tant de soins ? Si vous acceptez ce qu’on vous offre, renoncez en même temps à cette joie pure que vous goûtez maintenant car le moyen de la conserver au milieu de tant d’inquiétudes ! Encore bienheureux, dans l’état où sont les choses, si vous évitez une mort funeste.

Tse tchong sort, et dit à l’envoyé, qu’il ne peut accepter l’honneur qu’on lui fait, qu’il prie le roi d’honorer un autre de son choix. Aussitôt il plia bagage pour se retirer ailleurs avec sa femme et pour être moins reconnu, il changea son premier métier en celui de jardinier.


Tchong eul, second fils de Hien kong roi de Tsin, sortit du royaume, pour se soustraire aux artifices de la concubine Li ki, qui par ses calomnies avait déjà fait périr Chin seng son fils aîné. Tchong eul en se retirant dans le royaume de Tsi passa par les États de Tsao. Le prince de Tsao, bien loin de lui faire honneur, se mit à l’écart dans un endroit caché, d’où il pouvait au travers d’un rideau clair, voir passer Tchong eul et son train. Le prince de Tsao ne fut pas le seul qui eut cette curiosité. Les dames du lieu l’eurent aussi. Une d’entre elles, femme de Hi fou ki Grand du royaume, ayant vu passer Tchong eul, et considéré les gens de sa suite, appela avec