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Premièrement, avec la main par le moyen d’une ou de deux manivelles, attachées immédiatement aux extrémités de l’essieu du tambour.

Secondement, avec les pieds, par le moyen de certaines chevilles de bois fort grosses, plantées avec saillie de plus d’un demi-pied autour de arbre ou essieu du tambour allongé tout exprès. Ces chevilles ont de grosses têtes oblongues et arrondies en dehors, c’est-à-dire, de figure propre à appliquer la plante du pied nu, de sorte qu’un ou plusieurs hommes, suivant le nombre des rangs des chevilles, ou debout, ou assis, peuvent en se jouant et en remuant seulement les jambes, sans aucun effort, tenant d’une main un parasol, et de l’autre un éventail, faire monter un ruisseau perpétuel dans leurs terres arides.

Troisièmement, par le moyen d’un buffle ou de quelque autre animal, qu’on attache à une grande roue, d’environ deux toises de diamètre, située horizontalement, à la circonférence de laquelle on a planté un grand nombre de chevilles ou de dents, qui engrènant exactement avec des dents semblables, plantées autour de l’essieu du tambour, font tourner la machine, quoique plus grande, avec beaucoup de facilité.

Lorsqu’on nettoie un canal, ce qui arrive de temps en temps, on le coupe de distance en distance par des digues, et l’on en assigne une partie à chacun des villages circonvoisins : on voit aussitôt différentes troupes de paysans, qui apportent une espèce de chapelet composé de petites planches carrées, dont ils se servent pour élever l’eau du canal dans la campagne et comme les rives sont fort hautes, ils dressent leurs chapelets à triple étage, et se portent ainsi l’eau les uns aux autres. Ce travail quoique long et pénible, est aussitôt achevé par la multitude de ceux qui y sont occupés.

Il y a des endroits où les montagnes qui ne sont pas fort hautes, se touchent les unes les autres, et sont presque sans vallées : on en voit de semblables dans la province de Fo kien : cependant elles sont toutes cultivées, par le secret qu’ont les laboureurs, d’y faire couler de l’eau autant qu’ils veulent, en la conduisant d’une montagne à l’autre par des canaux de bambou.


Incommodité des sauterelles.

La peine et les travaux continuels de ces pauvres gens, devient quelquefois inutile, surtout en certaines provinces, par la multitude de sauterelles qui ravagent leurs campagnes ; c’est un fléau terrible, à en juger par ce que rapporte un auteur chinois : on en voit, dit-il, une multitude étonnante, qui couvre tout le ciel ; elles sont si pressées, que leurs ailes paraissent se tenir les unes aux autres ; elles sont en si grand nombre qu’en élevant les yeux, on croit voir sur sa tête de hautes et vertes montagnes, c’est son expression ; le bruit qu’elles font en volant, approche du bruit que fait un tambour.

Le même auteur a remarqué qu’on ne voit d’ordinaire cette quantité incroyable de sauterelles, que lorsque les inondations sont suivies d’une année de grande sécheresse ; et philosophant à sa manière, il prétend que les œufs des poissons qui se sont répandus sur la terre, venant à éclore par la chaleur, produisent cette multitude prodigieuse d’insectes, qui ruinent en peu de temps l’espérance des plus abondantes récoltes.