Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/111

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à Chao king, et lui causa les plus cruelles alarmes. Ce magistrat trouva la maison des missionnaires à sa bienséance, et frappé de son agréable situation, il la crut propre à devenir un édifice public. Il fit signifier au P. Ricci, que rien n’était plus contraire à la majesté de l’empire, qu’un étranger qu’on tolérait par grâce, demeurât dans la ville même où résidait le vice-roi, et qu’il eût à choisir une demeure dans le monastère des bonzes, qui est dans le voisinage de Chao tcheou fou.

Le Père présenta plusieurs requêtes au vice-roi, qui furent appuyées des principaux magistrats de la ville dont il était aimé. Ces sollicitations, loin de fléchir ce magistrat naturellement fougueux et emporté, ne servirent qu’à l’irriter davantage, et il ordonna que le père Ricci et son compagnon sortissent incessamment des terres de l’empire.

Ce fut un coup accablant pour les missionnaires : mais ils n’eurent point d’autre parti à prendre que celui d’obéir. Le Père Ricci fut contraint d’emballer à la hâte le peu de meubles qu’il avait, avec ses instruments de mathématiques, et de s’embarquer pour se rendre à Canton, et de là à Macao. Tous ses néophytes l’attendaient sur le rivage, et fondaient en pleurs, en lui demandant sa bénédiction.

A peine eut-il abordé à Canton, qu’il vit arriver une barque venant de Chao king : c’était un exprès que le vice-roi avait envoyé après le Père, pour lui ordonner de revenir. Il craignait qu’on ne lui reprochât un jour de s’être emparé de la maison de deux étrangers, que ses prédécesseurs avaient protégés, et dont la conduite avait toujours été irrépréhensible.

Le Père, qui savait ce qu’il lui en coûterait pour rentrer dans la Chine, s’il en était une fois sorti, retourna promptement à Chao king. Mon dessein n’est pas, lui dit le vice-roi, de vous chasser absolument de l’empire ; je vous permets de vous établir dans quelqu’autre endroit de ma province ; et il lui assigna Chao tcheou.

La réputation du Père Ricci avait prévenu son arrivée dans cette ville, et il n’y fut pas longtemps sans se concilier tous les mandarins : à peine pouvait-il suffire au grand nombre de personnes distinguées, que le plaisir de l’entretenir attirait dans sa maison.

En satisfaisant à leur curiosité, il ne manquait jamais de leur porter des paroles de salut, et plusieurs goûtèrent les saintes vérités qu’il leur annonçait, et devinrent les prémices d’une nouvelle église qu’il fonda à Chao tcheou ; et c’est là qu’il changea l’habit de bonze, qui le rendait méprisable, en habit de lettré, qui donna plus de poids à ses paroles. Un jeune homme fut le premier confesseur de cette chrétienté naissante : son père le maltraita cruellement, pour avoir refusé constamment d’adorer les idoles.

Plusieurs mandarins, et d’autres personnes considérables des villes voisines, voulurent connaître le Père Ricci, et lier amitié avec lui. Parmi ceux-là un riche négociant de Nan hiong s’attacha au missionnaire, écouta ses instructions avec un cœur docile, et fut bientôt en état d’être régénéré dans les eaux du baptême. A peine fût-il de retour en son pays, qu’il