Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/112

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en devint l’apôtre. Il prêcha Jésus-Christ à sa famille, et à un grand nombre d’amis qu’il avait dans cette grosse ville, qui est d’un grand abord, parce que c’est la dernière ville de la province de Quang tong, d’où l’on passe dans celle de Kiang si.

Le Père Ricci s’y transporta dans la suite, et y trouva quantité de catéchumènes bien instruits, qui soupiraient après la grâce du baptême. Il crut néanmoins que, pour établir solidement la religion chrétienne dans les provinces, il fallait la faire goûter dans la capitale. A la Chine, plus encore que partout ailleurs, les sujets règlent leur conduite sur celle du prince : il se persuada que la morale chrétienne serait infailliblement approuvée des sages chinois, et qu’elle disposerait insensiblement leurs esprits à croire les mystères de la foi. Enfin il comptait que s’il pouvait annoncer Jésus-Christ à la cour, et affectionner l’empereur à la religion, les difficultés s’aplaniraient ; et que les Grands, de même que le peuple, n’étant plus retenus par la crainte de déplaire au prince, écouteraient volontiers les ministres de l’Évangile, et ouvriraient les yeux aux lumières de la foi.

Il n’était pas facile à un étranger de pénétrer jusqu’à la ville impériale, et il prévit bien les obstacles qu’il aurait à surmonter : mais plein de ce courage qu’inspire le vrai zèle, il se prépara à tous les évènements, dans l’espérance de faire connaître Jésus-Christ à l’empereur, et aux Grands de sa cour.

Il se présenta une occasion que l’homme apostolique ne manqua pas de saisir. L’empereur ayant découvert que Taicosama roi du Japon, levait une nombreuse armée, pour faire la conquête de la Corée, et porter ensuite ses armes victorieuses dans l’empire, appela à la cour tous les mandarins qui avaient quelque capacité dans le métier de la guerre. Un de ces mandarins était ami du P. Ricci, et lui accorda volontiers la permission de le suivre jusque dans la province de Kiang si : car c’était tout ce que le missionnaire demanda pour lors, se flattant que le mandarin gagné par ses assiduités et ses services, pousserait plus loin la faveur qu’il lui faisait, et qu’il le conduirait jusqu’à Peking. Il s’embarqua donc sur une des barques de sa suite, mais la navigation fut malheureuse.

Dans un endroit de la rivière où divers courants se rassemblent, le vaisseau du P. Ricci fit naufrage : un novice qu’il menait avec lui, se noya, et lui-même, il resta assez longtemps au fond de l’eau, et ne s’en tira qu’à la faveur d’une corde. Cet accident effraya le mandarin, qui prit sa route par terre, laissant ses domestiques et ses équipages dans le vaisseau. Tout ce que le père Ricci put obtenir de lui, ce fut qu’on le conduirait à Nan king ; mais il ne voulut jamais permettre qu’on le menât plus avant, de crainte que dans l'alarme où l’on était de la guerre des Japonais, on ne lui fît un crime d’avoir un étranger à sa suite.

Le Père continua sa route par eau, et après être entré dans ce grand fleuve, que les Chinois appellent Yang tse kiang, c’est-à-dire, le fils de la mer, il arriva enfin à Nan king. Il s’attendait à y trouver de la protection ; un mandarin qui l’avait comblé autrefois d’amitié, y occupait une