Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/120

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formait chaque jour de nouvelles chrétientés ; et toutes ces terres arrosées des sueurs d’un grand nombre d’hommes apostoliques, qui étaient venus au secours du P. Ricci, fructifiaient au centuple. Mais le serviteur de Dieu aurait auguré peu favorablement de ces succès, s’ils n’eussent été traversés par divers orages, qui se succédèrent les uns aux autres.

Il s’éleva une cabale d’idolâtres, qui jaloux du progrès que faisait le christianisme, et du préjudice qu’en recevait leur secte, formèrent le dessein de perdre le père Ricci, et d’anéantir ses travaux : ils avaient fait entrer des mandarins dans leur complot : mais quand il fallut en venir à l’exécution de leur projet, ils s’aperçurent qu’ils y échoueraient, et que la ruine d’un homme si généralement respecté, n’était pas une affaire facile : ils prirent le parti de lui proposer un accommodement.

« Nous ne trouvons pas mauvais, lui dirent-ils, que vous portiez les peuples à honorer le Seigneur du Ciel ; à la bonne heure, que votre Dieu y règne : mais du moins laissez l’empire de la terre à nos divinités, et ne vous opposez pas aux honneurs que nous leur rendons. »

La réponse que fit le Père à une proposition si bizarre, transporta de fureur les idolâtres, et ils résolurent de tout risquer. Ils avaient au palais un bonze très accrédité, lequel se faisait respecter des eunuques, et avait gagné toute la confiance des reines, qui le regardaient comme un prophète, et qui ne se conduisaient que par ses conseils. Ils s’adressèrent au bonze, qui était assez porté de lui-même à favoriser leur passion.

Les choses étaient à un point, où le père Ricci crut voir périr en un moment le fruit et les espérances de ses travaux : mais dans la triste situation où il se trouvait, le secours lui vint de la Providence par un évènement auquel il n’était pas naturel de s’attendre. Un libelle peu respectueux pour l’empereur, se répandit alors dans le palais, et on l’attribua aux bonzes : ils furent sévèrement punis ; et le crédit du principal bonze, qui était devenu l’ennemi capital des missionnaires, ne le sauva pas de la cruelle bastonnade, sous laquelle il finit misérablement sa vie.

Une autre tempête s’éleva peu après à Nan tchang, où le ministère de la prédication eût été anéanti par les magistrats, si le père Ricci, qui en fut averti à temps, n’eût employé la puissance et le crédit de ses amis. Cette protection calma la tempête, et rétablit les missionnaires dans la liberté dont ils jouissaient auparavant.

Il eut souvent de semblables orages à apaiser, que la malignité des bonzes suscitait de toutes parts, et qui servaient à éprouver la fidélité des néophytes, et à ranimer le zèle de leurs pasteurs. Mais la plus rude de toutes les persécutions qu’il eut à essuyer, lui fut d’autant plus amère, qu’elle n’avait pas été excitée par les infidèles, mais par des personnes, que leur foi obligeait à soutenir l’œuvre de Dieu au prix même de leur sang. Voici comment la chose arriva.

Après la mort de l’évêque de Macao, un religieux d’un ordre respectable fut nommé vicaire général. Dès qu’il eût commencé à user de son pouvoir, il eût un assez grand démêlé avec un religieux de saint François. Le scandale que produisit cette division, les obligea à convenir d’un