Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/119

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Le seigneur Basile son fils ayant été nommé intendant général des postes et de la navigation, elle le suivit dans les provinces de Kiang si, de Hou quang, et de Se tchuen, où elle fit bâtir des églises, et y appela des missionnaires pour les gouverner. Il n’y avait pas de moyens que le zèle ingénieux de cette dame n’inventât, pour faire connaître Jésus-Christ, et agrandir son royaume. Elle savait qu’une infinité de pauvres gens abandonnaient leurs enfants dès qu’ils étaient nés, et les exposaient dans les rues, faute d’avoir de quoi les nourrir : elle employa le crédit de son fils auprès du vice-roi de Sou tcheou, et elle obtint la permission d’acheter une vaste maison, où elle recevait les enfants exposés, et leur procurait des nourrices.

Le nombre de ces enfants était si grand, que, quelque soin qu’on prît d’eux, il en mourait plus de deux cents chaque année, lesquels après avoir reçu le baptême, devenaient autant de prédestinés qui allaient peupler le ciel.

Ayant fait réflexion qu’une multitude d’aveugles étant hors d’état de gagner leur vie, assemblaient le peuple dans les places publiques, et abusaient de sa crédulité, en disant la bonne aventure à tous ceux qui se présentaient, elle en fit venir un certain nombre, et leur ayant promis de quoi les entretenir honnêtement, elles les fit instruire des principes de la religion, afin qu’ils allassent par les rues enseigner aux peuples ce qu’ils avaient appris, et les engager ensuite d’aller trouver les missionnaires.

Peu d’années avant sa mort, l’empereur, pour lui marquer l’estime qu’il faisait de sa sagesse et de sa vertu, lui envoya un habit magnifique, garni de plaques d’argent, et d’une riche broderie, avec une coiffure de perles et de pierreries, et lui donna le titre honorable de cho gin, qui signifie femme vertueuse. Elle reçut avec respect ce présent de son prince ; et elle s’en revêtit le jour de sa naissance ; mais ensuite elle détacha l’une après l’autre les plaques d’argent et les perles de sa coiffure, qu’elle employa à secourir les pauvres, et à orner les autels.

Enfin cette illustre veuve persévéra jusqu’à la mort dans ces exercices de religion et de piété. Le Père Laurifice lui administra les derniers sacrements, qu’elle reçut avec une foi vive, et avec la douce espérance d’être éternellement unie à Dieu, qu’elle avait aimé et servi avec tant de zèle. Elle fut généralement regrettée : les pauvres la pleurèrent comme leur mère ; les nouveaux fidèles, comme le modèle de toutes les vertus chrétiennes ; et les missionnaires, comme une ressource certaine dans tous leurs besoins, et surtout dans les persécutions qu’ils avaient à soutenir.

Une autre dame, qui avait reçu le nom d’Agathe au baptême, imita le zèle de la dame Hiu : son mari était un seigneur illustre, qui avait été vice-roi dans quatre provinces : elle lui inspira tant d’affection pour le christianisme, qu’il demanda le baptême, et le reçut avec toute sa famille, qui était de trois cents personnes. Ce seigneur fut l’un des principaux protecteurs de la religion, et en soutint toujours les intérêts avec autant de fermeté que de zèle.

Les églises se multipliaient dans toutes les provinces de l’empire ; il se