Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/15

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et à dessein de l’enseigner aux peuples ; ils ne contiennent qu’une partie de leur histoire. Les auteurs ne s’arrêtent pas à prouver ce qu’ils avancent, ils ne font que tirer les conséquences naturelles de principes déjà connus de la nation ; et ils supposent ces dogmes comme des premières vérités, qui font la base et le fondement de toutes les autres.

C’est par la doctrine renfermée dans ces livres, qu’on peut le mieux connaître quel est le système de religion, que les anciens Chinois ont suivi, et quel a été le véritable objet de leur culte.

A parler d’abord en général, il paraît que le but de la doctrine des livres classiques, a été de maintenir la paix et la tranquillité de l’État, par le règlement des mœurs et l’exacte observation des lois ; et que, pour y parvenir, les premiers Chinois jugèrent que deux choses étaient nécessaires à observer ; savoir, les devoirs de la religion, et les règles du bon gouvernement.

Leur culte avait pour premier objet un Être suprême, seigneur et souverain principe de toutes choses, qu’ils honoraient sous le nom de Chang ti, c’est-à-dire, suprême empereur, ou de Tien, qui selon les Chinois signifie la même chose. Tien, disent les interprètes, c’est l’esprit qui préside au ciel, parce que le Ciel est le plus excellent ouvrage produit par ce premier principe : il se prend aussi pour le ciel matériel, et cela dépend du sujet où on l’applique. Les Chinois disent que le Père est le Tien de la famille, le vice-roi le Tien de la province, et l’empereur le Tien du royaume, etc. Ils honoraient encore, mais d’un culte subordonné, des esprits subalternes, et dépendants du premier Être, qui, selon eux, présidaient aux villes, aux rivières, aux montagnes, etc.

Si dès le commencement de la monarchie ils se sont appliqués à l’astronomie, ils ne s’étudiaient à observer les astres, que pour en connaître les mouvements, et expliquer les phénomènes du Tien visible, ou du Ciel. On ne voit point d’ailleurs que dans ces premiers temps, ils aient cherché à approfondir la conduite et les secrets de la nature : ces recherches trop curieuses étaient même expressément défendues, de crainte que parmi une nation spirituelle et polie, on ne vît éclore trop aisément des opinions dangereuses, et des systèmes pernicieux au repos du gouvernement, et à la tranquillité publique.

Pour ce qui est de leur politique, qui consistait à entretenir l’ordre et l’honnêteté des mœurs, elle se réduisait à ce principe très simple ; savoir, que ceux qui commandent, doivent imiter la conduite du Tien, en traitant leurs inférieurs comme leurs enfants ; et que ceux qui obéissent, doivent regarder leurs supérieurs comme leurs pères.

Mais ce Chang ti, ou ce Tien, qui était l’objet de leur culte, le regardaient-ils comme un Être intelligent, comme le seigneur et l’auteur du ciel, de la terre, et de toutes choses ? Et n’est-il pas vraisemblable que leurs vœux et leurs hommages s’adressaient au ciel visible et matériel, ou du moins à une certaine vertu céleste destituée d’intelligence, et inséparable de la matière identifiée au ciel ? J’en laisse le jugement au lecteur, et je me contente de rapporter ce que les livres classiques nous apprennent.