Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/36

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Ne serait-ce pas trop exiger de ces anciens peuples, que de prétendre qu’ils auraient dû être aussi instruits que nous le sommes, nous qui avons été éclairés des plus vives lumières, que Jésus-Christ, le vrai soleil de justice, est venu répandre sur la terre ?

Aussi est-il vrai de dire, que, quoique les livres classiques, et surtout le Chu king, exhortent souvent à craindre le Tien, quoiqu’ils placent les âmes des hommes vertueux auprès du Chang ti, on ne voit pas qu’ils aient parlé clairement des peines éternelles de l’autre vie ; de même, quoiqu’ils assurent que le premier Être a produit toutes choses, on ne trouve point qu’ils s’expliquent assez clairement, pour juger qu’ils aient entendu par là une vraie création, une production précédée du néant. Mais aussi il faut avouer que s’ils ont gardé sur cela le silence, ils ne l’ont pas niée, ils ne l’ont pas donnée comme impossible ; ils n’ont pas avancé, comme ont fait certains philosophes Grecs, que la matière, dont les êtres corporels sont composés, est éternelle.

On ne trouve pas non plus qu’ils aient parlé nettement sur l’état de l’âme ; et il paraît qu’ils en avaient une idée peu exacte, et peu conforme à la vérité. Néanmoins on ne peut douter qu’ils ne crussent que les âmes subsistent, lorsqu’elles cessent d’être unies au corps : certainement ils croyaient de véritables apparitions, témoin celle que rapporte Confucius.

Ce philosophe racontait à ses disciples les plus familiers, que pendant plusieurs années, il avait vu très souvent en songe le célèbre Tcheou kong fils de Ven vang, à qui l’empire était redevable de tant de belles instructions sur les mœurs et sur la doctrine. Et il est à remarquer que le savant Tchu hi, si distingué sous la dynastie des Song, étant interrogé si Confucius voulait parler d’un songe, ou d’une vraie apparition, répond sans hésiter, qu’il s’agissait d’une vraie apparition. Cependant il y avait six cents ans que Tcheou kong était mort, lorsqu’il apparût à Confucius.

À cette occasion je rapporterai deux autres faits à peu près de même nature, dont parle l’histoire chinoise, qui ne sont pas moins extraordinaires.

On lit dans le Chu king, que l’empereur Kao tsong ayant fait d’instantes prières au Tien[1], pour obtenir un digne ministre d’État, qui réformât les mœurs de ses sujets ; le Chang ti lui apparût en songe, et lui fit voir distinctement le portrait de celui qu’il lui donnait ; qu’aux traits marqués dans le songe, il le fit chercher, et qu’on découvrit dans la foule du petit peuple, cet homme destiné à être premier ministre, ou plutôt à être maître de l’empereur et de l’empire ; que Fou yué (c’était son nom) tiré de l’obscurité et de la poussière, parla d’abord selon les maximes des anciens sages ; d’où il est aisé de juger que la doctrine qu’il enseignait était commune et répandue dans tous les États de la nation.

Des historiens postérieurs à Confucius, ont recueilli une tradition

  1. Tien se prend pour Chang ti, et Chang ti pour Tien, quand il s'agit du souverain Être qui a créé et qui gouverne le ciel et la terre.