Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/37

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constante sur la ruine du royaume de Tsao, arrivée à la troisième année de l’empereur King vang. Un Grand de la cour de ce prince vit en songe les ancêtres de cette famille, qui, après avoir gémi sur ce que leurs descendants dégénéraient si fort de leurs vertus, disaient entr’eux : c’en est fait, notre race va perdre la couronne, et le pays Tsao ne sera plus un État particulier, comme il l’a été pendant l’espace de six cent trente-six ans. Un homme de tel nom assassinera le prince, et causera ce renversement.

Ce seigneur fut trop frappé de cette apparition, pour la traiter de simple songe. N’ayant pu découvrir personne à la cour de Tsao, qui portât le nom du traître désigné, il se contenta d’avertir le prince de se défier d’un tel homme, s’il se présentait à ses yeux. Le prince profita du conseil ; mais dans la suite il négligea, et oublia peut-être un avis si important : et en effet, il arriva qu’un homme de ce nom tua le dernier des rois de Tsao, et que ce pays fit ensuite partie du royaume de Song.

Il est à remarquer, que si l’on trouve dans ces anciens livres, des preuves de la connaissance, que les premiers Chinois ont eue de l’Être suprême, et du culte religieux, qu’ils lui ont rendu pendant une longue suite de siècles, on n’y aperçoit aucun vestige d’un culte idolâtrique. Cela paraît moins surprenant, lorsqu’on fait réflexion que l’idolâtrie ne s’est répandue que lentement dans le monde ; que, selon Eusèbe, elle a pris naissance dans l’Assyrie, où il ne parût des idoles que longtemps après Belus, qui les y a introduites ; que la Chine n’avait aucun commerce avec les autres nations ; qu’entre ce vaste empire et l’Assyrie, se trouvent les Indes, qui rendaient encore la communication plus difficile.

D’ailleurs l’histoire chinoise n’aurait pas manqué d’en parler, comme elle a marqué le temps où l’idole Fo fut transportée à la Chine, plusieurs siècles après Confucius. Il est vrai que du temps même de ce philosophe, la magie et diverses erreurs avaient infecté plusieurs esprits. Il se peut faire même qu’avant lui il se trouva parmi le peuple, et en quelques provinces, des idoles, et un culte superstitieux : mais c’est ce qui ne peut s’assurer sur des preuves tirées de l’histoire ; et il paraît que les savants attachés à la doctrine, qu’ils avaient reçue par tradition de leurs pères, n’y avaient aucune part.

Ce qui a beaucoup contribué à maintenir à la Chine le culte des premiers temps, et à empêcher qu’il n’y ait été tout à fait éteint, c’est que l’empire, parmi ses tribunaux souverains, en a établi un presque dès son origine, qui a une pleine autorité, pour condamner et réprimer les superstitions qui pourraient se glisser, et qui s’appelle le Tribunal des rits.

Cette précaution de la politique chinoise eût été bonne, si l’esprit humain était moins borné, et moins sujet à la séduction. Les plus fortes digues n’étant que l’ouvrage des hommes, ne tiennent point contre de violentes inondations. On a vu ailleurs qu’à la Chine, presque tout le corps des philosophes idolâtres contre ses propres lumières, par la crainte d’un peuple amateur des idoles, qui était sans frein, et trop maître dans l’État. L’ancienne doctrine des Chinois a toujours trouvé son appui