Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/40

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ils se persuadèrent que, par le ministère des démons qu’ils invoquaient, ils pourraient réussir dans leur dessein.

L’espérance d’éviter la mort, porta un grand nombre de mandarins à étudier cet art diabolique : les femmes surtout naturellement curieuses, et encore plus attachées à la vie, donnèrent avec fureur dans ces extravagances. Enfin quelques empereurs crédules et superstitieux, mirent en vogue cette doctrine impie, et multiplièrent beaucoup le nombre de ses sectateurs.

L’empereur Tsin chi hoang ti, cet ennemi juré des lettres et des savants, dont nous avons déjà parlé, se laissa persuader par ces imposteurs, qu’il se trouvait effectivement un breuvage qui rendait les hommes immortels, et qui s’appelait Tchang seng yo[1]. Il fit chercher cette ambroisie dans plusieurs îles.

Vou ti sixième empereur de la dynastie des Han, se livra tout entier à l’étude des livres magiques, sous un maître de cette secte, nommé Li chao kiun. Il y en a qui prétendent que ce fut un effet de sa complaisance pour l’impératrice, qui s’était attachée à cette nouvelle philosophie, comme étant plus favorable à ses passions, au mépris de la doctrine moins commode des anciens livres, et de Confucius, qu’elle détestait.

On ne fut pas longtemps à être informé dans les provinces de l’inclination de l’empereur, et de la protection ouverte, qu’il accordait à une secte qu’il avait embrassée lui-même. La cour se remplit aussitôt d’une foule innombrable de ces faux docteurs, qui s’étaient rendus célèbres par la science magique.

Ce prince perdit vers ce temps-là une des reines qu’il aimait éperdument, et il était inconsolable de sa perte. Un de ces imposteurs, par ses prestiges et ses enchantements, fit paraître aux yeux du prince la reine défunte ; et cette apparition, dont il fut surpris et effrayé, l’attacha encore plus fortement aux impiétés de la nouvelle secte. Il prit plusieurs fois le breuvage d’immortalité : mais enfin il s’aperçut qu’il n’en était pas moins mortel ; et se voyant sur le point d’expirer, il déplora trop tard sa folle crédulité.

La nouvelle secte ne souffrit aucun préjudice de la mort de l’empereur : elle trouva des protecteurs dans les princes de la même dynastie. Deux des docteurs les plus célèbres, furent autorisés à maintenir le culte, qui se rendait au Démon dans ce grand nombre de temples, déjà répandus par tout l’empire. Ces faux docteurs distribuaient de tous côtés, et vendaient bien cher de petites images, où étaient représentés cette foule d’esprits et d’hommes, qu’ils avaient placés au rang des dieux, et qu’ils nommaient sien gin, c’est-à-dire, immortels.

La superstition s’accrut de telle sorte, que sous les empereurs de la dynastie des Tang, on donna aux ministres de la secte, le titre honorable de Tien sseë c’est-à-dire, de docteurs célestes. Le fondateur de

  1. Voici l’étymologie et la composition de ce mot : Yo signifie médecine. Tchang, éternelle. Seng, vie.