Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/41

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cette race, éleva un temple superbe à Lao kiun ; et Hiuen tsong, sixième empereur de la même dynastie, fit porter avec pompe sa statue dans son palais.

Les successeurs de ce chef de la secte, sont honorés pour toujours de la dignité de grands mandarins ; et ils résident dans une bourgade de la province de Kiang si, où ils ont un palais magnifique. On y voit un grand concours de peuples, qui s’y rendent des provinces voisines, pour demander des remèdes à leurs maux, ou pour apprendre leur destinée, et ce qui doit leur arriver dans la suite de leur vie. Ils reçoivent du Tien sseë un billet rempli de caractères magiques, et ils s’en retournent bien contents, sans plaindre l’argent que leur coûte cette faveur singulière.

Mais ce fut principalement sous l’empire des Song, que les docteurs de cette secte se fortifièrent davantage. Tchin tsong, troisième empereur de cette dynastie, se laissa ridiculement surprendre à leurs fourberies et à leurs prestiges. Ces imposteurs avaient, pendant une nuit obscure, suspendu à la principale porte de la ville impériale, un livre rempli de caractères et de formules magiques, par lesquelles ils invoquent les démons ; et ils publièrent que ce livre était tombé du ciel. Le prince crédule alla par vénération le chercher à pied ; et après l’avoir reçu avec le plus profond respect, il le porta en triomphe dans son palais, et l’enferma dans un coffre d’or, où il le conserva précieusement.

Ce furent ces tao sseë qui introduisirent dans l’empire cette multitude d’esprits jusqu’alors inconnus, qu’ils honorèrent comme des divinités indépendantes de l’Être suprême, et à qui ils donnèrent le nom de Chang ti. Ils érigèrent même des anciens rois en autant de dieux qu’ils invoquèrent.

Hoei tsong huitième empereur de la dix-neuvième race des Song, porta la superstition jusqu’à donner le nom de Chang ti, ou de maître suprême, à un docteur de cette secte nommé Chang y, qui s’était fait une grande réputation sous la dynastie des Han. Jusque-là les idolâtres mêmes avaient toujours distingué le Chang ti des autres divinités. Aussi un colao célèbre, qui a imprimé sur cette matière, attribue-t-il à cette impiété, l’extinction et la ruine entière des Song.

Cette secte abominable se fortifia de plus en plus avec le temps, et par la protection des princes que je viens de nommer, et par les passions des Grands qu’elle flattait, et par les impressions d’admiration ou de terreur, qu’elle faisait sur les peuples. Les pactes de leurs ministres avec le démon, les sorts qu’ils jetaient, les surprenants effets de leur art magique, infatuèrent la plupart des esprits ; et on les voit encore aujourd’hui extrêmement prévenus en leur faveur. On appelle assez ordinairement ces imposteurs, pour guérir les maladies, et pour chasser les démons.

Ils sacrifient à cet esprit de ténèbres trois sortes de victimes ; un cochon, un poisson, et une volaille : ils enfoncent un pieu en terre, et c’est souvent un sortilège : ils tracent sur du papier des figures bizarres,