Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/43

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ambassadeurs crurent l’avoir trouvé parmi les adorateurs d’une idole nommée Fo ou Foë. Ils transportèrent à la Chine cette idole, et avec elle les fables dont les livres indiens étaient remplis, les superstitions, la métempsycose, et l’athéisme.

Cette contagion, qui commença par la cour, gagna bientôt les provinces, et se répandit dans tout l’empire, où la magie et l’impiété n’avaient déjà fait que trop de ravages.

On ne peut pas bien dire en quel endroit de l’Inde parut cette idole. Si les choses extraordinaires que ses disciples en racontent, ne sont pas autant de fables qu’ils aient inventées, on serait porté à croire avec saint François Xavier, que ce fut plutôt un spectre, qu’un homme ordinaire.

Ils rapportent qu’il naquit dans cette partie de l’Inde, que les Chinois appellent Chung tien cho ; qu’il eût pour père le roi de cette contrée, et que sa mère s’appelait Mo yé ; que sa mère le mit au monde par le côté droit, et qu’elle mourut peu après lui avoir donné la vie ; que lorsqu’elle conçut, elle rêva pendant son sommeil qu’elle avalait un éléphant ; que c’est là la source des honneurs que les rois des Indes rendent aux éléphants blancs, et qu’ils se sont fait souvent de sanglantes guerres, pour avoir cette sorte d’animal. Il fut d’abord nommé Che kia, ou Cha ka, comme les Japonais l’appellent.

A peine, disent-ils, ce monstre fût-il sorti des flancs de sa mère, qu’il se tint debout. Il fit sept pas, montrant d’une main le ciel, et de l’autre la terre. Il parla même, et prononça clairement les mots suivants : Il n’y a que moi dans le ciel et sur la terre qui mérite d’être honoré.

A dix-sept ans il épousa trois femmes : il eût un fils que les Chinois nomment Mo heou lo. A dix-neuf ans il abandonna ses femmes, son fils et tous les soins terrestres, pour se retirer dans la solitude, et se mettre sous la conduite de quatre philosophes, que les Indiens appellent Ioghi. A trente ans il fut tout à coup pénétré de la divinité, et devint Fo ou Pagode, comme l’appellent les Indiens. Se voyant Dieu, il ne songea plus qu’à répandre sa doctrine.

Le démon ne lui manqua pas au besoin. Ce fut par son secours qu’il fit les choses les plus étonnantes, et que par la nouveauté de ses prodiges il jeta la terreur parmi les peuples, et s’attira en même temps leur vénération. Les Chinois ont décrit ces prodiges dans de grands volumes, et les ont représentés dans diverses estampes.

Il n’est pas croyable combien ce Dieu chimérique se fit de disciples : on en compte quatre-vingt mille qui lui servirent à infecter tout l’orient de ses dogmes impies. Les Chinois les appellent Ho chang ; les Tartares Lamas ; les Siamois Talapoins ; les Japonais, ou plutôt les Européens, Bonzes. Parmi ce grand nombre de disciples, il y en eût dix des plus distingués par leur rang, et par leur dignité, qui publièrent cinq mille volumes en l’honneur de leur maître.

Cependant ce nouveau Dieu comprit qu’il était mortel comme le reste des hommes. Il avait atteint la soixante-dix-neuvième année de son âge : la défaillance de ses forces lui fit sentir qu’il était prêt de sa fin ; et ce fut