Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/44

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alors, que mettant le comble à l’impiété, il vomit de son sein tout le venin de l’athéisme.

Il déclara à ses disciples, que jusqu’à ce moment il ne s’était servi avec eux que de paraboles ; que ses discours avaient été autant d’énigmes ; et que pendant plus de quarante ans il leur avait caché la vérité sous des expressions figurées et métaphoriques ; mais qu’étant sur le point de les quitter, il voulait leur communiquer ses véritables sentiments, et leur révéler le mystère de sa doctrine. Apprenez donc, leur dit-il, qu’il n’y a point d’autre principe de toutes choses, que le vide et le néant ; c’est du néant que tout est sorti ; c’est au néant que tout doit retourner ; c’est là qu’aboutissent toutes nos espérances. Mais ses disciples s’en tinrent à ses premières paroles, et leur doctrine est entièrement opposée à l’athéisme.

Cependant ces dernières paroles de l’imposteur donnèrent lieu à cette célèbre distinction, qui s’est faite de sa doctrine, en extérieure, et en intérieure, dont je parlerai dans la suite. Ses disciples ne manquèrent pas de répandre une infinité de fables après sa mort : ils persuadèrent sans peine à un peuple simple et crédule, que leur maître était né huit mille fois ; qu’il avait passé successivement en différents animaux, et qu’il avait paru sous la figure de singe, de dragon, d’éléphant, etc.

C’était apparemment à dessein d’établir le culte de cette fausse divinité sous la figure d’une infinité de bêtes : aussi ces différentes bêtes, où, disait-on, l’âme de Fo avait passé, furent-elles adorées en plusieurs endroits. Le peuple chinois éleva de même plusieurs temples à toutes sortes d’idoles, et elles se multiplièrent à l’infini dans tout l’empire.

Parmi le grand nombre de disciples que se fit ce Dieu chimérique, il s’en trouva un qui lui était plus cher que tous les autres, à qui il confia ses plus intimes secrets, et qu’il chargea plus particulièrement d’étendre sa doctrine. On l’appelle Moo kia ye. Il lui ordonna de ne point s’amuser à appuyer ses dogmes de preuves, et de longs raisonnements, mais de mettre simplement à la tête des ouvrages qu’il publierait, ces paroles : C’est ainsi que je l’ai appris.

Ce même Fo parle dans un de ses livres, d’un maître encore plus ancien que lui, que les Chinois nomment O mi to, et que les Japonais, par corruption de langage, ont nommé Amida. C’est dans le royaume de Bengale que parût cet autre monstre. Les bonzes prétendent qu’il parvint à une si haute sainteté, et qu’il acquit tant de mérites, qu’il suffit maintenant de l’invoquer, pour obtenir le pardon de tous ses crimes. C’est ce qui fait que l’on entend continuellement les Chinois de sa secte prononcer ces deux noms O mi to, Fo. Ils croient que l’invocation de ces deux prétendues divinités les purifie de telle sorte, qu’ils peuvent ensuite lâcher impunément la bride à toutes leurs passions ; persuadés qu’il ne leur en coûtera qu’une invocation si facile, pour expier les crimes les plus énormes.

Les dernières paroles de ce Fo mourant, donnèrent naissance à une secte particulière d’athées, qui s’éleva parmi quelques bonzes ; les autres bonzes ayant de la peine à se dépouiller des préjugés de leur éducation,