Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/45

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persévérèrent dans les premières erreurs que leur maître leur avait enseignées.

Il y en eut plusieurs qui tâchèrent d’accorder les uns et les autres par la distinction de deux doctrines, l’une extérieure, et l’autre intérieure. La première, qui était à la portée du peuple, préparait les esprits à recevoir la seconde, qui ne convenait qu’aux esprits plus élevés : et pour faire mieux comprendre leur pensée, ils se servaient de cet exemple.

La doctrine extérieure, disaient-ils, est par rapport à la doctrine intérieure, ce qu’est le cintre à l’égard de la voûte qu’on bâtit. Cet assemblage de charpente n’est nécessaire que pour soutenir les pierres, qui servent à construire la voûte ; aussitôt qu’elle est achevée, la charpente devient inutile, et on la renverse. De même il n’est plus question de doctrine extérieure, dès qu’on a embrassé la doctrine intérieure. Or voici quelle est la doctrine extérieure qui renferme les principes de la morale des bonzes, et qu’ils ont grand soin de débiter. Ils disent qu’il y a une grande différence entre le bien et le mal ; qu’après la mort il y a des récompenses pour ceux qui ont pratiqué le bien, et des supplices, dont on punit ceux qui ont fait le mal ; qu’il y a des lieux destinés pour les âmes des uns et des autres, où elles sont placées selon leur mérite ; que le Dieu Fo est né pour sauver les hommes, et remettre dans la voie du salut ceux qui s’en écartent ; que c’est lui qui expie leurs péchés, et qui leur procure une heureuse renaissance dans l’autre monde ; qu’il y a cinq préceptes à observer : le premier défend de tuer aucune créature vivante ; le second, de prendre le bien d’autrui ; le troisième, de se souiller par l’impureté ; le quatrième, de mentir ; et le cinquième, de boire du vin.

Mais surtout il ne faut pas manquer de pratiquer certaines œuvres de miséricorde qu’ils prescrivent. Traitez bien les bonzes, disent-ils, et fournissez-leur tout ce qui est nécessaire à leur subsistance : bâtissez-leur des monastères et des temples, afin que par leurs prières, et par les pénitences qu’ils s’imposent pour l’expiation de vos péchés, ils vous délivrent des peines auxquelles vous seriez sujets. Aux obsèques de vos parents, brûlez des papiers dorés et argentés, des habits et des étoffes de soie : tout cela dans l’autre monde se change en or, en argent, en véritables habits. Par ce moyen vos parents défunts ne manquent point des choses qui leur sont nécessaires, et ils ont de quoi se concilier les dix-huit gardiens des enfers, qui, sans ce secours, seraient inexorables, et leur feraient sentir tout le poids d’une rigueur inflexible. Que si vous négligez l’observation de ces commandements, songez qu’après votre mort vous serez en proie aux plus cruels tourments ; et que votre âme, par une longue suite de métempsycoses, passera dans le corps des plus vils animaux : vous renaîtrez sous la forme d’un mulet, d’un cheval, d’un chien, d’un rat, ou de quelque autre bête encore plus méprisable.

Il n’est pas aisé de dire jusqu’où va la crainte et l’effroi que ces chimères jettent dans l’esprit crédule et superstitieux des Chinois. Une