Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/53

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consiste qu’en des superstitions bizarres, que chacun se forme à sa fantaisie.

Quoi qu’il en soit, ce n’est encore jusqu’ici que la doctrine extérieure de Fo, enseignée par les bonzes, et ajustée aux ruses et aux artifices qui leur servent à tromper la crédulité des peuples. Il n’est pas donné à tout le monde d’entrer dans les mystères de la doctrine intérieure ; le peuple grossier, et le commun des bonzes n’en est pas capable. Il faut, pour y être initié, avoir un esprit sublime, et propre à acquérir la plus haute perfection.

Cette doctrine intérieure est celle que Fo enseigna dans les derniers instants de sa vie, et que ses disciples, en qui il avait le plus de confiance, ont pris soin d’expliquer et de répandre. Il ne faut qu’exposer ce ridicule système, pour faire connaître jusqu’à quel excès de folie et d’extravagance peut conduire la bizarrerie de l’esprit humain.

Voici donc quelle est cette doctrine, que les maîtres de la secte prétendent être la seule qui soit véritable et solide. Ils enseignent que le principe et la fin de toutes choses, c’est le vide, ou le néant ; que c’est du néant que nos premiers parents ont tiré leur origine, et que c’est au néant qu’ils sont retournés après leur mort ; que le vide est ce qui constitue notre être et notre substance ; que c’est de ce néant, et du mélange des éléments que sont sorties toutes les productions, et qu’elles y retournent dans la suite ; que tous les êtres ne diffèrent les uns des autres, que par leurs figures et leurs qualités ; de même, qu’il n’y a que les qualités diverses qui mettent de la différence entre la neige, la glace, et la grêle ; de même encore que du même métal on fait un homme, un lion, ou quelqu’autre animal ; et qu’après avoir fait fondre tous ces êtres, ils perdent aussitôt leurs figures et leurs qualités, et ne sont plus qu’une même substance.

Ainsi, disent-ils, tous les êtres, soit animés, soit inanimés, quoique différents par leurs qualités et leurs figures, ne sont tous qu’une même chose, indistincte du même principe ; ce principe est quelque chose d’admirable ; il est très pur, exempt de toute altération, très subtil, très simple, et, par sa simplicité, la perfection de tous les êtres ; enfin il est très parfait, et dans un continuel repos, sans avoir ni vertu, ni puissance, ni intelligence ; bien plus, son essence consiste à être sans intelligence, sans action, sans désirs ; pour vivre heureux, il faut s’efforcer par de continuelles méditations, et par de fréquentes victoires remportées sur soi-même, de devenir semblable à ce principe, et pour cela s’accoutumer à ne faire rien, à ne vouloir rien, à ne sentir rien, à ne penser à rien ; il n’est plus question de vices ou de vertus, de peines ou de récompenses, de providence et d’immortalité des âmes ; toute la sainteté consiste à cesser d’être, et à se confondre avec le néant ; plus on approche de la nature de la pierre ou d’un tronc d’arbre, plus on se perfectionne ; enfin c’est dans l’indolence et l’inaction, dans la cessation de tous désirs, dans la privation des mouvements du corps, dans l’anéantissement de toutes les facultés de l’âme, et dans la suspension générale de tous sentiments, que