Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/63

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tout l’empire un maître indépendant et absolu. Et nous pourrions douter qu’il y eût une première intelligence, un Être suprême, un souverain seigneur de l’univers, qui le gouverne avec sagesse et avec justice ? N’est-ce pas ce que nos anciens livres nous enseignent ? N’est-ce pas ce que nous avons appris de nos premiers sages ?

On peut connaître les sentiments du même empereur par les trois inscriptions ci-jointes, qu’il écrivit de sa propre main, et qu’il donna aux pères jésuites de Peking, pour la nouvelle église qu’ils avaient élevée vers la porte de Chun tchi muen. Dès l’année 1705 il voulut contribuer à la construction de cette église, et pour cela il leur fit présent de dix mille onces d’argent. Les caractères de l’inscription du frontispice ont deux pieds[1] et demi chinois de hauteur : les caractères des inscriptions de chaque colonne ont près d’un pied chinois de hauteur. Il paraît que Yong tching, qui a succédé à l’empereur Cang hi son père, a la même idée du Tien, que son prédécesseur, et les savants de son empire : on en peut juger par la manière dont il en parle dans un édit public. Voici à quelle occasion il fut donné.

Ce prince très attentif aux besoins de ses peuples, fut informé que la sécheresse menaçait une de ses provinces d’une stérilité générale. Aussitôt il s’enferma dans son palais, il jeûna, il pria jusqu’à ce qu’il eût appris que la pluie y était tombée en abondance ; après quoi il porta l'édit en question, où témoignant combien il était touché des misères de son peuple, il ordonna à tous les grands mandarins de l’informer avec soin des calamités dont les peuples de leur district seraient affligés ; puis il conclut par ces paroles : « Il y a entre le Tien et l’homme une correspondance de fautes et de punitions, de prières et de bienfaits. Remplissez vos devoirs, évitez les fautes : car c’est à cause de nos péchés que le Tien nous punit. Quand le Tien envoie quelque calamité, soyons attentifs sur nous-mêmes, mortifions-nous, corrigeons-nous, prions : c’est en priant, et en nous corrigeant, que nous fléchissons le Tien. Si je porte cet ordre, ce n’est pas que je me croie capable de toucher le Tien ; mais c’est pour vous mieux persuader qu’il y a, comme je viens de le dire, entre le Tien et l’homme une correspondance de fautes et de punitions, de prières et de bienfaits. »

Mais il s’explique encore plus clairement dans une instruction qu’il donne à ses peuples au sujet d’une requête, qui lui fut présentée par un des premiers officiers de son empire.

Un surintendant de deux provinces écrivit à l’empereur, que partout où on avait élevé des temples à l’honneur du général d’armée Lieou mong, les sauterelles, et certains autres vers, ne portaient aucun dommage aux campagnes ; et qu’au contraire les territoires, où on ne lui avait point érigé de temple, se ressentaient toujours du ravage que ces insectes ont coutume de faire. D’autres grands mandarins lui avaient aussi proposé différents expédients superstitieux, pour demander ou la pluie,

  1. Le pied chinois est un peu plus grand que le pied du Châtelet de Paris.