Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/133

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qu'ils adorent comme des dieux sur terre. Je fus témoin du respect que lui rendirent nos ambassadeurs et une partie de leur suite, particulièrement les Mongous. Le prétendu ressuscité était un jeune homme d'environ vingt-cinq ans, ayant le visage fort long, et une physionomie assez plate : il était sur une estrade dans le fond de la pagode, assis sur deux grands coussins l'un de brocard, et l'autre de satin jaune. Un grand manteau des plus beaux damas de la Chine, de couleur jaune, lui couvrait le corps depuis la tête jusqu'aux pieds, en sorte qu'on ne lui voyait que la tête qui était toute découverte, ses cheveux étaient frisés, son manteau était bordé d'une espèce de galon de soie de différentes couleurs, large de trois à quatre doigts, à peu près comme le sont nos chapes d'église, auxquelles le manteau de ce lama ne ressemblait pas mal. Toute la civilité qu'il fit aux ambassadeurs, fut de se lever quand ils parurent dans la pagode : il demeura ainsi tout le temps qu'il reçut leurs respects, ou plutôt leurs adorations. Voici comme se passa cette cérémonie. Les ambassadeurs jetèrent d'abord leurs bonnets à terre, à cinq ou six pas du lama, puis ils se prosternèrent trois fois, frappant la terre du front : après cette adoration ils allèrent l'un après l'autre se mettre à genoux à ses pieds. Le lama leur mit les mains sur la tête, et leur fit toucher son chapelet : après quoi les ambassadeurs se retirèrent, et l'adorèrent une seconde fois, comme ils avaient fait auparavant : puis ils allèrent s'asseoir sur des estrades préparées de côté et d'autre. Le Dieu prétendu s'étant assis le premier, les ambassadeurs prirent leurs places, l'un à la droite et l'autre à la gauche ; quelques autres mandarins des plus considérables se placèrent après eux. Quand ils furent assis, les gens de leur suite vinrent pareillement à l'adoration, et reçurent l'imposition des mains et du chapelet, mais il n'y en eut pas beaucoup qui eurent cette dévotion. Cependant on apporta du thé tartare dans de grands coquemars d'argent : il y en avait un particulier pour le prétendu immortel, porté par un lama qui lui en versa dans une coupe de porcelaine fine, qu'il prit lui-même de dessus un piédestal d'argent, où elle était posée proche de lui. Le mouvement qu'il se donna alors, lui fit découvrir son manteau, et je remarquai qu'il avait les bras nus jusqu'aux épaules, et qu'il n'avait point d'autre habillement sous son manteau que des écharpes rouges et jaunes, dont son corps était enveloppé : il fut toujours servi le premier. Les ambassadeurs le saluèrent par une inclination de tête, et avant que de boire le thé, et après l'avoir bu selon la coutume des Tartares ; il ne fit pas le moindre geste pour répondre à leur civilité ; peu après on apporta la collation : on servit premièrement une table devant cette idole vivante, on en mit ensuite une devant chacun des ambassadeurs et des mandarins qui les accompagnaient : on nous fit aussi le même honneur. Il y avait sur ces tables des plats de quelques méchants fruits secs, et une espèce