Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/15

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c’est par cette ville que les envoyés du roi, aussi bien que les marchands ses sujets doivent entrer dans l’empire, ce qui y attire grand nombre de Chinois, qui ont bâti dans le faubourg de bonnes maisons, et qui sont les correspondants des marchands de province. La principale marchandise qui s’y débite est une espèce de papier fait de coton, il est fort et de durée, mais il n’est ni bien blanc, ni fort transparent : il s’en fait cependant un grand commerce à Peking, où l’on s’en sert pour faire les châssis des palais et des maisons tant soit peu considérables.

Un mandarin mantcheou gouverne la ville sous le nom Hotongta. Il a sous lui plusieurs mandarins de sa nation : les uns pour gouverner les soldats de la garnison, et les autres pour avoir soin des affaires dont les Coréens ont à traiter avec l’empereur, et les sujets de l’empire.

La montagne Fong hoang chan donne le nom à la ville, et quoiqu’elle soit la plus célèbre du pays, nous sommes obligés de dire qu’elle n’a rien de particulier, ni dans sa hauteur, ni dans sa figure, ni dans ce qu’elle produit. Les gens du pays ignorent entièrement ce qui lui a fait donner ce nom.

Il y a apparence que le fameux oiseau fong hoang des Chinois n’est pas moins fabuleux que le phœnix des Arabes, et pour le dire une fois pour toutes, on ne peut guère compter sur les noms chinois, car les plus magnifiques ont été souvent donnés à des villes très misérables, même par leur situation, et à des montagnes également stériles et affreuses.

Ces noms ont cependant donné occasion à plusieurs fables rapportées dans les géographies chinoises : les auteurs, n’étant la plupart que de simples particuliers, n’ont pu avoir des connaissances exactes que d’un petit nombre de lieux, et ils ont été obligés de s’en rapporter aux contes, et aux discours populaires, qui se débitaient sur les raretés et sur les merveilles de chaque pays.

Ces livres répandus ensuite par plusieurs éditions, ont rempli les Chinois de si fausses idées sur la géographie et sur l’histoire naturelle de leur empire, que si on les en croit, à peine y a-t-il un terroir de ville, qui ne fournisse quelque chose d’extraordinaire, et de précieux ; ainsi il n’est pas surprenant que nos auteurs, qui ont écrit, ou sur ce qu’ils entendaient dire à des gens d’ailleurs respectables, ou sur les traductions, des ouvrages chinois, aient fait la nature beaucoup plus merveilleuse dans la Chine, que nous ne l’avons trouvée dans nos courses géographiques. Pouvaient-ils faire autrement ? Doit-on sans preuve positive rejeter ce qui est communément reçu parmi les honnêtes gens ? Ils ont dit alors ce que nous serions nous-mêmes contraints de dire maintenant, si nous n’avions pas examiné les choses par nous-mêmes.

Ainsi sans réfuter leurs relations, nous nous contenterons de communiquer les remarques que nous avons faites sur les lieux, avec une égale indifférence, et pour la censure de tant de personnes, qui se font un mérite de ne rien croire ; et pour le goût bizarre des autres, qui n’estiment ces sortes d’ouvrages qu’autant qu’ils y trouvent du merveilleux.